Hassan Haffar

© Florence Strauss

Haffar : Le nom de cet hymnode d’Alep (Syrie du nord), signifie en arabe « celui qui creuse » et renvoie à la tradition mystique. Il creuse et fouille les esprits, les amours et le bas-monde. Il nous invite à la voyance intérieure, à la catharsis des cœurs et à la sublimation des passions.

Muezzin à la Grande Mosquée d’Alep, Hassan Haffar est né dans cette ville en 1943. Artisan de son métier, il fut remarqué pour l’excellence, la justesse et la puissance de sa voix. Il devient le disciple des hymnodes Bakri Kurdi, Sabri Moudallal et Abd Al-Raouf Hallaq. L’influence de Bakri Kurdi (compositeur de musiques sacrées et profanes) sur toute une génération d’hymnodes syriens est indéniable grâce à un style reconnaissable entre tous. Hassan Haffar l’a secondé pendant de nombreuses années et a pu s’imprégner de ses créations et de ses traditions des confréries mystiques (mawlawiyya). Durant sa formation entièrement traditionnelle, il apprit les différentes sortes d’appels à la prière, de récitation, de psalmodie et de cantillation du coran. Sa connaissance des modes musicaux savants est profonde, de même son savoir rythmique. Déployant son art de la modulation et de la transposition, il est devenu maître dans l’improvisation des poèmes classiques (qasâ’id) et le chant mesuré choral (tawâshîh). Appréciant énormément le répertoire populaire, il est aussi attiré par les chants bédouins.

Il enchante par la plénitude grave de sa voix et la justesse de ses inflexions aigues. Sa tessiture de bonze et son souffle puissant n’excluent pas une rare subtilité et un exquis raffinement lors de ses prestations. Son dynamisme n’est que l’expression du feu intérieur qui l’habite et fonde sa personnalité charismatique. Transmettant son émotion à son public, il peut chanter durant des nuits entières. Capable de mémoriser des milliers de vers classiques par cœur, il en improvise aussi sur le champ.

Se déplaçant peu en dehors de la vieille ville d’Alep, berceau des civilisations, il consentit cependant à accompagner son maître Moudallal à Paris, durant une semaine, en 1975, au festival d’Automne (Théâtre des Bouffes du Nord), en 1995, à l’Auditorium des Halles, en 1999 au Café de la Danse et à l’Institut du monde arabe en 2009.

Interprétant des chants profanes d’amour pour mieux illustrer l’islam de la tolérance, de la tendresse et de l’art, il montre un autre visage du monde arabe et de la tradition musicale d’Alep. L’esthétisme pourra ainsi se marier avec la foi dans le respect de toutes les différences.

Bernard Moussali


Album disponible : Suites d’Alep