Beihdja Rahal

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Rarement interprète du répertoire arabo-andalou, maîtrisant également l’carûbî et le hawzî, n’aura mis autant de passion dans l’exercice de son art. Née en 1962 à Alger, au sein d’une famille de mélomanes, Beihdja Rahal n’a pourtant pas embrassé immédiatement une carrière artistique. Enfant, grâce à sa tante et à son oncle, les Foudala, connus dans le monde du théâtre, elle a pu assister à des spectacles et concerts donnés par les vedettes de l’époque dans la mythique salle Ibn-Khaldoun (ex-Pierre-Bordes). À l’instar de ses frères et sœurs (ils sont neuf au total), elle se retrouve inscrite au conservatoire d’El-Biar, en 1974, à l’initiative de sa mère. Certains choisissent le piano, car il y en avait un à la maison, Beihdja préfère la mandoline. Au conservatoire, elle choisit l’arabo-andalou comme discipline et côtoie le maître Mohamed Khaznadji, qui lui fournit les armes nécessaires pour fourbir un répertoire aux bases des plus consistantes. Elle obtient, en 1989, une licence en biologie qui lui permettra d’enseigner les sciences naturelles, successivement aux lycées Bouattoura et Emir-Abdelkader de la capitale algérienne. En 1982, elle rejoint l’association El-Fakhardjia et, dans la foulée, en avril de la même année, effectue ses premiers pas sur scène au Théâtre national algérien (ex-opéra d’Alger), où elle se distingue par l’interprétation d’un long solo de la nouba h’sîn. Cette performance est remarquée par Bouabdallah Zerrouki, un talentueux ingénieur du son, à qui l’on doit, entre autres, une belle série discographique autour de Khaznadji. C’est lui qui lui suggère d’enregistrer toutes les noubas algériennes. Elle repousse la proposition, ne se sentant pas encore prête, d’autant qu’elle se soucie davantage de ses études et qu’en l’absence d’un statut de l’artiste en Algérie, elle continue de penser la musique en termes de loisir.

En 1983, Abderrezak Fakhardji la choisit pour interpréter une nouba complète dans le mode rasd ad-dîl, dirigée par le cheikh Hamidou Djaïdir, lors d’un concert donné à l’opéra d’Alger, diffusé également à la télévision algérienne.

Cofondatrice de l’association musicale Es-Sendoussia en 1986, après avoir quitté El-Fakhardjia, Beihdja participe, un an plus tard, à la production de quatre des cinq enregistrements d’une collection éditée par Zerrouki. En 1992, elle décide de s’installer à Paris pour suivre une spécialité. Finalement, c’est en France qu’elle matérialisera ses projets musicaux imaginés avec Zerrouki, avec un premier enregistrement « Nouba Zidane 1 » en 1995, un deuxième « Nouba Mezmoum 1 » en 1997, puis un troisième « Nouba Rasd 1 » en 1999. À partir de l’an 2000, elle travaille davantage en Algérie et se produit pour la première fois sous son nom. Elle y trouve un contexte plus favorable : un choix plus important de musiciens et d’instruments traditionnels. Encouragée par l’accueil exceptionnel du public, Beihdja s’investit à corps perdu dans son ouvrage, réalisant, en dix ans sans repos, le tour de force de mettre « en boîte » les douze noubas de l’école algéroise.

Forte d’un enseignement théorique poussé et douée d’un talent exceptionnel, Beihdja Rahal rayonne dans l’interprétation du mode andalou, ce style musical classique qui ne vaut précisément que par l’authenticité et la pureté de son jeu. Son interprétation exige de la chaleur, de l’âme et du sentiment. Celle qu’en propose Beihdja Rahal dégage une atmosphère émotionnelle qui a comblé le public à chacune de ses apparitions en Europe et dans le monde.

Beihdja n’entend pas s’arrêter en si bon chemin, comme en témoigne ce deuxième tour des douze noubas mettant en relief les modes m’djanba et mazmûm. L’andalou est ici porté à son firmament par la voix cristalline et l’orchestre enchanteur de la première dame ayant enregistré les douze modes de la musique classique arabo-andalouse, un privilège dans l’histoire de cet art, jusque-là chasse gardée des hommes.

Rabah Mezouane


Album disponible : Sur un air de Nouba