Wasla

Karima Skalli

Wasla, littéralement « ce qui relie », c’est une suite de pièces vocales et instrumentales, écrites et improvisées, mesurées et non mesurées, toutes composées dans le même mode. Une wasla commence par une ouverture instrumentale, suivie d’une suite de pièces chantées, alternées d’improvisations instrumentales et vocales.

Cet enregistrement conjugue les talents de la chanteuse Karima Skalli, du compositeur Lofti Bouchnak et du poète Adam Fethi. L’orchestre qui accompagne la soliste et ses choristes est composé, selon la tradition, d’un cûd (luth), d’un qânûn (cithare), d’un violon et de percussions. Il est ici renforcé par une contrebasse, un violoncelle, un bouzouk et un saxophone. Voilà qui lui confère un cachet original à la fois ancré dans la tradition et ouvert aux défis de la modernité.


Tracklist

1Samâcî rast/Pièce instrumentale – 6’30
2Damci l’mahbûb/Les larmes du bien-aimé – 19’33
3Arrûhu bi hubbikum tafûh/Votre amour exalte l’âme – 5’14
4Longa rast/ Pièce instrumentale – 4’37
5Ghannî yâ fannân/Chante l’artiste, chante – 7’36
6Habbînâ/Amoureux nous sommes – 6’00


Interprètes et instruments

Karima Skalli (chant)
Lotfi Bouchnak (chant)
Moeâz Louakdi (luth)
Yaârab (bouzouk)
Bachir Salmi (violon)
Abdelhkim Ben Hlilou (violoncelle)
Taoufik Zghounda (kanoun)
Najib Belhadi (contrebasse)
Sidi Mohammed Al Idrissi (saxophone)
Mohammed Ben Mabrouk (percussion)


A propos

La production d’un album de musique classique arabe est aujourd’hui un événement rare. Et ce qui est encore plus rare, c’est la production d’un album comportant une wasla. Ensuite, quand la wasla est de composition contemporaine, l’événement devient presque unique, surtout quand les auteurs de ce merveilleux travail sont des artistes de haut rang, comme la chanteuse Karima Skalli, le compositeur Lotfi Bouchnak et le poète Adam Fethi.

La wasla, littéralement « ce qui relie », est une suite de pièces vocales et instrumentales, composées et improvisées, mesurées et non mesurées, dans le même maqâm (mode). Elle commence par une ouverture instrumentale, suivie d’une suite de pièces chantées, alternées d’improvisations instrumentales et vocales.

L’orchestre qui entoure le soliste de la wasla et ses choristes se nomme takht, un ensemble de chambre composé traditionnellement d’un cûd (luth), d’un qânûn (cithare), d’un violon et d’un riqq (tambourin à cimbalettes), auxquels vient s’ajouter de manière optionnelle le nây (flûte de roseau). Ces instruments, Lotfi Bouchnak les a enrichis par une contrebasse, un violoncelle, un bouzouk et un saxophone, ce qui donne à sa wasla le cachet d’un travail original, ancré dans la tradition, ouvert en même temps aux chances et défis de la modernité.

Wasla en mode rast est une parfaite union des mots d’Adam Fethi, des notes de Lotfi Bouchnak et de la sublime voix de Karima Skalli.


Entretien avec Karima Skalli

Karima Skalli, pourquoi la wasla ?
Issus de l’école de musique savante arabe, Lotfi Bouchnak et moi-même voulons, à travers ce travail, rendre hommage à toutes les formes de musique académique traditionnelle arabe, comme le samâcî, le dawr, le mawwâl, la taqtûqa… Nous cherchons aussi à participer à la transmission de cet héritage à la nouvelle génération. De plus, Bouchnak est l’un des rares musiciens arabes à continuer de composer ce genre de musique. Et si je suis honorée de collaborer avec lui, c’est davantage à cause de ce qu’il fait pour la musique arabe que pour ce qu’il fait pour moi.

Comment est née cette wasla ?
J’ai rencontré Lotfi Bouchnak en 2000, au Festival de Fès. Depuis, une amitié nous a liés et nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises. Mais c’est grâce à des amis communs, qui nous ont suggéré de travailler ensemble, qu’est née l’idée de la wasla que nous avons enregistrée dans les studios de Lotfi Bouchnak, à Tunis, avec un orchestre composé de grands instrumentistes tunisiens, marocains et syriens. Notre travail montre, encore une fois, que la musique dépasse les frontières de l’espace et du temps.

Au takht qui entoure traditionnellement le soliste de la wasla et ses choristes, Lotfi Bouchnak a ajouté une contrebasse, un violoncelle, un bouzouk et un saxophone. Pourquoi ?
A travers ce travail, nous cherchons à faire revivre la wasla qui s’est éteinte en Egypte avec la disparition du célèbre chanteur Saleh Abdul-Hayy, en 1962, et qui ne survit pratiquement aujourd’hui que grâce à quelques rares artistes du Maghreb et du Moyen-Orient. Nous la présentons ici en respectant sa forme classique et ses règles de base, mais en l’abordant sous un angle novateur, grâce à la poésie contemporaine d’Adam Fethi et l’introduction de ces nouveaux instruments au takht. D’ailleurs, l’objectif n’était pas de reproduire une wasla exactement identique à celle de l’ancien temps, mais d’en composer une contemporaine avec des sonorités plus modernes.

Avec Wasla en mode rast, est-ce que l’on peut dire que Karima Skalli s’éloigne aujourd’hui de l’école d’Asmahan pour forger sa propre personnalité artistique ?
Je suis habitée par la voix d’Asmahan depuis mon enfance. L’interprétation de ses chansons, comme celles d’Oum Kalthoum, de Souad Mohamed ou de Leïla Mourad est toujours pour moi un plaisir et une forme d’apprentissage. Mais, finalement, il faut que je me constitue un répertoire personnel. C’est pourquoi j’avais déjà commencé à travailler avec des artistes marocains, notamment Abderrafii Al-Jawahery, grand poète qui a donné à Abdelhadi Belkhayat sa célèbre chanson El-Qamar El-Ahmar (« La Lune rouge »). Ses poèmes ont été composés à mon intention par le célèbre luthiste Saïd Chraïbi, qui m’a aussi mis en musique des textes de grands maîtres soufis pour le Festival de Fès 2000. D’autres chansons m’ont également été données par Aziz Hosni, Abdelati Amanna, Nouamane Lahlou, etc.

Fady Matar, journaliste


Détails des enregistrements

1- Samâcî rast/Pièce instrumentale dans le mode rast – 6’30

Le samâcî est une composition instrumentale épousant un rythme de dix temps, d’origine turque.

2- Damci l’mahbûb/Les larmes du bien-aimé – 19’33

Ce mawwâl, poésie populaire chantée dans un style non mesuré est suivi d’un dawr, forme de chant essentiellement égyptienne, d’origine populaire.

cAynî*, il est de cette beauté qui essuie les larmes des yeux
Et il est de celle qui nourrit les arbres lorsque les sources cessent de verser leurs larmes
Et mon bien-aimé, par sa beauté, incarne tout être et toute source

Le jour où sur lui mes yeux se sont posés, je les ai fermé et « yâ layl yâ cayn » j’ai chanté

De sa beauté, j’ai peur pour mes yeux, et du mauvais œil je crains pour lui
Les larmes de mon bien-aimé ont secrètement guidé
Mes yeux vers la lumière de sa beauté

Est-ce de nature que la beauté est triste
Triste, et de ses joies, elle se nourrit
Tel un courlis, fut ma passion pour toi
Il s’est envolé, sous son aile, il m’a emporté
Ton amour est écrit, ô mon bien-aimé
Sur la porte de mon âme

Il se demande, sommes-nous réellement conscients,
Qu’au repos, les amoureux ne goûtent jamais
Ou est-ce de nature que la beauté est triste
Triste, et de ses joies, elle se nourrit

* littéralement : source ou œil. Le terme réfère au bien aimé.

3- Arrûhu bi hubbikum tafûh/Votre amour exalte l’âme – 5’14

Cette pièce appelée muwashshah est une poésie chantée de construction formelle complexe.

De votre amour, l’âme s’exalte telles des fleurs
Et aux regards, se dévoile le cœur
Oh voleur des joues empourprés sur la place
Telles des fleurs exubérantes est la flamme de la passion

Oh toi qui est lucide qui donc ignore ce qu’est l’amour
Parmi tant de délices la clé de mon âme ne s’égare
Dis-moi que le juge de la passion a rendu son verdict et suis-moi
Accorde-moi le baiser de bénédiction ou quitte-moi
Avec des roses les larmes sur mes joues, essuies
Et demandes leur mon propre ami suis-je ou ennemi
Laisses donc, tel un canot l’amour me bercer
Et si mon cœur, il réussit à vaincre je ne résisterai guère

4- Longa rast/Pièce instrumentale dans le mode rast –4’37

La longa est une forme instrumentale alerte et rapide d’origine ottomane et conservée au Proche-Orient.

5- Ghannî yâ fannân/Chante l’artiste, chante – 7’36

Duo vocal entre Karima Skalli et Lotfi Bouchnak

Chante l’artiste, chante au fil des temps, chante
Que l’étoile du bonheur s’illumine entre violon et luth
Moi qui, toute ma vie, ai chanté et pour qui personne n’a chanté

Je ne sais guère ce qui m’échappe ni ce qui m’emporte
La nuit qui m’a tant tourmenté me consolera t-elle, de moi aura t’elle pitié
Ses étoiles, me tiendront-elles éveillé prétendant d’oublier le passé

Ni la nuit, ni ses étoiles ne t’oublieront
Si bougie et lampe s’éteignent éternels tes chants seront
Du passé, témoin tu es et dans la peine, un rêve tu demeures
Dans l’ultime jardin, gardien tu es de la dernière fleur

Chante, l’artiste, chante au fil des temps, chante
Que l’étoile du bonheur s’illumine entre violon et luth


Assoiffé je me suis réveillé une coupe entre les mains
Je me suis dit : « Eh l’artiste ! Quand atteindras-tu la source ?
Brise d’été, toute ta vie tu étais rêvant d’une fleur et d’un pain
En invité tu passais aux portes tu frappais. »


Invités, nous sommes dans ce monde aux portes du temps
Assoiffés, désireux de découvrir ce que nous réserve le futur
Depuis l’ère des temps, ainsi va la vie n’hésite pas, l’artiste, à la courtiser

Une barque que nous mènerons vers des rivages sécurisés.

Chante, l’artiste, chante au fil des temps, chante
Que l’étoile du bonheur s’illumine entre violon et luth

Je chante, désorienté mais que peuvent les paroles
Le blé de mon chant fleurira-t-il ou bien la terre est-elle de marbre
Je console, alors que mon cœur gémit je souris, alors que mon âme pleure
Devrais-je me taire ou devrais-je continuer à conter jusqu’à l’aube

Raconte, l’artiste, et dévoile les branches desséchées fait verdi
Sa voix, l’âme du monde perdra si au silence l’artiste est réduit

Raconte, l’artiste tes malheurs, tes joies et tes rêves, dévoile
Raconte ce que révèle le temps aux voyageurs que nous sommes

Chante, l’artiste, chante au fil des temps, chante
Que l’étoile du bonheur s’illumine entre violon et luth

6- Habbînâ/Amoureux nous sommes – 6’00

La taqtûqa, pièce musicale rythmée et allègre sur une poésie populaire en arabe dialectal, vient traditionnellement clore la suite musicale.

Amoureux, nous sommes
Et dieu sait combien nous le sommes

Le sommeil si cher, nous avons abandonné
Des nuits entières, nous avons attendu qu’une étoile nous illumine
Une étoile qui nous a fait aimer la vie
Bien que songe, elle était et nous nous sommes réveillés
Ni je t’ai connue, ni je t’ai vue

Ô étoile, pourtant de toi je me suis épris
Mon songe tu étais, et longtemps
Dans mon cœur, je t’ai enfouie
Lorsque le sommeil m’abandonnait et te voir je ne pouvais
Je faisais semblant de t’oublier
Je t’ai longtemps imaginé
Et de longues nuits je t’ai attendu

Tel un roseau, mon cœur j’ai senti
Au vent il résistait, tout vide qu’il était
Loin de toi, il vivait
Tel un oiseau aux ailes déplumées, vers les cieux il ne pouvait voler
Amoureux, nous sommes
Et dieu sait combien nous le sommes
Le sommeil si cher, nous avons abandonné
Des nuits entières, nous avons attendu qu’une étoile nous illumine
Une étoile qui nous a fait aimer la vie
Bien que songe, elle était et nous nous sommes réveillés


  • Référence : 321.077
  • Ean : 794 881 795 321
  • Artiste principal : Karima Skalli
  • Année d’enregistrement : 2005
  • Année de fixation : 2006
  • Genre : Wasla
  • Pays d’origine : Maroc
  • Ville d’enregistrement : Paris
  • Langue principale : Arabe
  • Compositeurs : Lofti Bouchnak ; Musique traditionnelle
  • Lyricists : Lofti Bouchnak ; Musique traditionnelle
  • Copyright : Institut du Monde Arabe

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