Khalîl Mohammed Khalîl (né en 1917) ne mena jamais de carrière professionnelle de chanteur (il était directeur général des prisons d’Aden). Il composa néanmoins de nombreuses mélodies de chansons très populaires au Yémen et jusqu’en Égypte, comme Al-ward al-hamra (La rose rouge, plage 8), Harâm ‘alayk (Aie pitié de moi, pourquoi apparais-tu à la fenêtre ?!), dont les paroles sont de Mohammed ‘Abduh Ghânem. Nous sommes ici très proches du style de la chanson égyptienne des années 1940 : voix grave à la façon de Mohammed ‘Abdel Wahâb, chansons avec couplets et refrain, fréquence du rythme masmûdî, parfois présence d’instruments occidentaux ; toutefois, une touche purement yéménite, dans le rythme et le jeu du luth, interdit de confondre cette musique avec la production égyptienne. Sur fond d’arts traditionnels où les auteurs des mélodies tombaient rapidement dans l’oubli, Khalîl Mohammed Khalîl est l’un des premiers artistes yéménites modernes à revendiquer le statut de compositeur.
Cette influence égyptienne est la trace d’une circulation culturelle très ancienne : l’influence de l’Égypte s’est exercée sur le Yémen depuis l’Antiquité la plus reculée, comme l’ont montré certaines découvertes archéologiques, et a contribué à former le Yémen moderne. En témoignent par exemple des traits communs au dialecte de tout le sud-ouest du Yémen.
Jean Lambert
Album disponible : La Chanson d’Aden