Chants sacrés de Sanaa

Chants sacrés de Sanaa

Association des chantres yéménites

Les chants sacrés accompagnent les différentes étapes de la vie : naissance, mariage, funérailles, ainsi que la célébration de certaines fêtes religieuses. Les chantres officient a cappella et font varier leur répertoire selon les occasions, tristes ou heureuses. Ils peuvent autant se prêter à la cantillation de textes pieux qu’aux chants comiques, et donnent ici toute la mesure de leur talent.
L’idée de créer une association des chantres de Sanaa remonte à 1975, à une époque où des jeunes pouvaient suivre des cours au domicile des hymnodes les plus célèbres. Mais c’est seulement en septembre 1990 que l’Association a finalement été fondée à un niveau national. Unique en son genre au Yémen, elle a pour objectif de conserver le patrimoine des chants religieux, de les recueillir auprès des personnes âgées, de les enseigner et de les renouveler.


Tracklist

1Adhân/Appel à la prière – 2’33
2Bismillah/ Au nom d’Allah – 3’52
3Yâ rabb sallî ‘alâ n-nabî/Ô Dieu je prie sur le Prophète – 2’38
4‘Alim al-sirr minnâ/Toi qui connais notre secret – 7’50
5Al-tahmida/Poèmes de gratitude envers Dieu – 8’13
6Al-salâ tughshâ Mohammed/Que mes prières protègent Mohammed – 3’56
7Lî fî rubâ Hajir ghuzayyil/J’ai du côté de Hajer un faon – 4’15
8Sallî ilâhu al-samâ/Prie le Dieu du ciel – 2’58
9Yâ rabb sallî ‘alâ man halla bi-l-harâmi/ Ô Dieu je prie pour celui qui a vécu dans le sanctuaire [de La Mecque] – 2’30
10Al-sanâ lâh/La lueur du jour est apparue – 7’03
11‘Alâ n-nabî wa-l-âl/Sur le Prophète et sur sa famille – 3’17
12Yâ rabb yâ musbil/Ô Toi qui nous fais don de la pluie – 6’26
13Al-ziffa/Le cortège du marié – 5’42
14 – Al-bâla/Comptine de ramadan – Razfa/Chant satyrique – Mahjal/Chant de travail – 11’35


Interprètes et instruments

Ali al-Akwaa (chant)
Yahyâ al-Mahfadî (chant)
Abd el-Rahman Madâ’is (chant)
Ahmed al-Akwaa (chœur)
Taha ‘Amer (chœur)
Yahyâ Shandaq (chœur)


À propos

L’art et la manière des nashshâd yéménites

Dans la région de Sanaa, les munshidîn ou nashshâdîn sont des chantres religieux ou hymnodes spécialisés dans toutes les formes de chant paraliturgique qui accompagnent les événements à caractère social et les différentes étapes du cycle de la vie : naissance, circoncision, mariage, funérailles, consécration d’un vœu, ainsi que la célébration de certaines fêtes religieuses comme la nativité du Prophète, mawlid, ou la Nuit du Destin, laylat al-qadar, pendant le ramadan.

Les nashshâd officient en général seuls ou par deux. Selon les occasions, leur répertoire diffère considérablement : dans les occasions tristes, ils récitent surtout le Coran, ainsi que les légendes des prophètes ou d’autres textes pieux, à peine cantillés. En revanche, dans les occasions heureuses comme les mariages, les nashshâd donnent toute la mesure de leurs talents musicaux. Ils doivent contribuer à ce que l’on appelle farah, à la fois « fête » et « réjouissance », c’est-à-dire les sentiments que l’on doit y vivre pour que l’événement soit une réussite. Pour ces raisons, il entre également dans leurs attributs d’égayer l’assistance (entièrement composé d’hommes) avec des plaisanteries ou des chants comiques dont l’humour masculin n’épargne aucun sujet, en dehors des choses de la religion… Très demandés et bien payés, les nashshâd vont de mariage en mariage et, à la belle saison, certains d’entre eux peuvent en faire deux dans une même journée, pour arrondir leurs émoluments !

Les nashshâd interprètent toujours leurs chants a cappella sans jamais être accompagnés de percussion, ce qui reflète bien l’attitude négative de l’école zaydite (chiite, dominante à Sanaa) vis-à-vis des instruments de musique. Le répertoire des mariages (ici surtout représenté), comprend trois genres principaux :

  • le  mashrab (« où l’on se désaltère, où l’on s’inspire »), un chant en l’honneur du prophète Mohammed, où le soliste est fortement soutenu par le chœur des participants de la fête – ici remplacés par les membres de la troupe. Ce type de chant (qui, dans un autre contexte, rappelle beaucoup les christmas chorals protestants), exprime tout le dynamisme social du groupe représente par le chœur, dont les membres reprennent le refrain à pleine voix. L’amour du Prophète est chanté sur tous les tons, sous toutes les formes poétiques possibles, toujours en référence avec la toute-puissance divine sur les éléments naturels, les oiseaux, la pluie, l’orage, le jour et la nuit. Le répertoire mélodique de ces chants est très vaste. Certains, spécialement conçus pour accompagner le cortège du marié, ziffa, sont particulièrement enjoués et de tempo très enlevé, comme le « Morhaban mâ » (plage 13). Ils donnent même lieu à une danse.
  • la qasîda, un poème monorime de thème dévotionel ou sapiential, qui est chanté par un soliste sur la même mélodie, du début à la fin (par exemple « ‘Alim al-sirr minnâ », plage 4).
  • le tawshîh ou tathlîth, un poème de contenu lyrique profane ou mystique souvent interprété sur trois mélodies différentes qui alternent plus ou moins tout au long du poème. Ce genre est apparenté par ses mélodies au répertoire profane ghinâ, dont on peut reconnaître quelques rythmes (par exemple dans « Yâ rabbu yâ musbil », plage 12, ou encore « Lî fî rubâ Hâjer ghuzayyil », plage 7, ici entièrement interprété de manière chorale).

Le disque se conclut sur trois types de chant populaire en arabe dialectal, qui ont été intégrés de manière tardive au répertoire religieux : 

  • la bâla, en principe joute poétique villageoise qui, à Sanaa, sert de comptine pour les enfants, en particulier pendant le ramadan, alors qu’ils vont mendier des cadeaux de maison en maison ;
  • la razfa , chant de marche des tribus yéménites lorsqu’elles se mettent en campagne, devenu à Sanaa un chant satyrique ;
  • le mahjal, chant de travail de thème religieux.

Jean Lambert, ethnomusicologue


Détails des enregistrements

1-Adhân/Appel à la prière – 2’33
Selon la tradition zaydite, il comprend la mention : « Ayyâ ‘alâ l-falâh »/Allons ! Vers le Salut !

2- Bismillah/Au nom d’Allah- 3’52

Mashrab « Bismillah bismillah fi awwal dhikrinâ nabda’
Bi-l-mawlâ wa bi-r-rasûl al-mushaffa’ »

« Au nom d’Allah, notre première mention nous commençons
Par le Seigneur et par l’Envoyé intercesseur »

3- Yâ rabb sallî ‘alâ n-nabî/Ô Dieu je prie sur le Prophète – 2’38

Mashrab « Yâ rabb sallî ‘alâ n-nabî
mâ lâh bargon bi-laylin dâjiyya »

« Ô Dieu je prie sur le Prophète
Autant que luisent les éclairs dans une nuit sombre »

4- ‘Alim al-sirr minnâ/Toi qui connais notre secret – 7’50
Qasîda de Jâbir Rizq, poète mystique du XIXe siècle

« Toi qui connais notre secret, donne-nous ce que nous désirons
Ô Toi qui es la plus haute aspiration de ceux qui implorent
Ô Toi qui es toujours Vivant, Toi qui ne cesses »

5- Al-tahmida/Poèmes de gratitude envers Dieu – 8’13
Ensemble de poèmes et de prières consacrés à remercier Dieu

5.1- Mashrab « Al-hamdu li-llah wa-l-shukru li-llah »/Gratitude à Allah, mille merci à Allah
5.2- Qasîda « Hamdan li-man istajâb al-ni’am »/Gratitude à Celui qui a répondu en envoyant Ses bienfaits
5.3- Qasîda « Na’am na’am wa-l-shukr/Oui, oui, et merci au Seigneur des bienfaits
5.4- Prière sur le même thème
5.5- Prière/du’â’ sur les prophètes

6- Al-salâ tughshâ Mûhammad/Que mes prières protègent Mahomet – 3’56

Mashrab « Al-salâ tughshâ Mohammed wa-s- salâm
Wa-l-âl el-kirâm
Mâ shajâ tayr el-bishâmah fawq ghusnin ‘âlî »

« Que mes prières protègent Mohammed et sa famille,
Qu’elles soient aussi nombreuses que les trilles de l’oiseau qui roucoule sur la plus haute branche du balsamier »

7- Lî fî rubâ Hajir ghuzayyil/J’ai du côté de Hajer un faon – 4’15
Mubayyit de Mohammed al-Sûdî (xvie siècle)

« J’ai, du côté de Hâjer, un faon au cou dressé, qui ravage les cœurs
Il a capturé le mien à l’heure du couchant
Pitié pour l’amoureux enflammé, comme il a de la peine ! »

8- Sallî ilâhu al-samâ – 2’58

Mashrab « Sallî ilâhu al-samâ’
Alâ lladhî hâz el-jamâl el-asmâ
Tahâ alladhî gad sanâ
Wal-âl mâ tayr el-ghusûn ghannâ »

« Prie le Dieu du ciel
Pour celui qui a la beauté la plus élevée
Tâhâ [Mohammed] qui a créé la tradition
Prie autant que l’oiseau chante »

9- Yâ rabb sallî ‘alâ man halla bi-l-harâmi/ Ô Dieu je prie pour celui qui a vécu dans le sanctuaire [de La Mecque] – 2’30

Mashrab « Yâ rabb sallî ‘alâ man halla bi-l-harâmi
Mohammed al-Mustafâ al-makhsûs bi-l-karami »

« Ô Dieu je prie pour celui qui a vécu dans le sanctuaire [de La Mecque]
Mohammed, l’Elu, celui qui est doué de générosité »

10- Al-sanâ lâh/La lueur du jour est apparue – 7’03
Mubayyit, poème lyrique de Mohammed Sharaf el-Dîn (xvie siècle)

« La lueur du jour est apparue
Elle a privé mes yeux du sommeil du juste
Les senteurs ont éclos
Et ont noyé mon âme de larmes »

11- ‘Alâ n-nabî wa-l-âl/Sur le Prophète et sur sa famille – 3’17

Mashrab « ‘Alâ n-nabî wa-l-âl
Salâ al-ghanî al-mughnî
Mâ wâbilon hattâl
Aw mâ hamar al-muzni »

« Sur le Prophète et sur sa famille
Priez Celui qui est riche et qui enrichit
Autant qu’il fait tomber l’averse
Et crève les nuages »

12- Yâ rabb yâ musbil/Ô Toi qui nous fais don de la pluie – 6’26
Qasîda avec tawshîh, d’Ahmed al-Muftî (xixe siècle)

« Ô Dieu, ô Toi qui nous fais don de la pluie
Toi qui fais apparaître tout ce qui est manquant
Toi qui fais venir l’aube, puis les ténèbres
Je te demande, par le Prophète, de réunir les présents et les absents
Nos amis, gens de fidélité et de protection, sont loin et courent le danger
Leur souvenir est permanent, les oublier serait illicite
Je n’ai plus de plaisir depuis qu’ils sont partis en voyage
Après qu’ils ont fait leur bagage, je n’ai plus connu le sommeil
Combien je subis, et combien je patiente ! »

13- Al-ziffa/Le cortège du marié – 5’42
Suite de plusieurs mashrab pour le cortège du marié

13.1- Morhaban mâ/Bienvenue

« Morhaban mâ
Morhaban bi-badr al-tamâmeh
Yâ hilâlan
Badâ fî junh ez-zalâmeh »

« Bienvenue
Bienvenue à la pleine lune parfaite
Ô croissant de lune
Apparu au plus profond de l’obscurité »

13.2- Morhaban yâ nûr ‘aynî/Bienvenue ô lumière de mes yeux

Bienvenue ô lumière de mes yeux
Bienvenue ô l’ancêtre de Hussein

14- Ensemble de chants populaires de Sanaa – 11’35

14.1- Al-bâla/Comptine de ramadan

Comptine en boucle, chantée par les enfants pour aller réclamer de l’argent aux voisins pendant le ramadan.

« Je commence par le nom de Mohammed pour qu’il intercède
Pour qu’il nous évite la géhenne, son feu et sa chaleur
Et je mentionne Ali, que Dieu a élevé et à qui il a donné la beauté
Et ses deux fils martyrs, mais cette nuit le cadeau, c’est toi qui le donnes !
Ah si j’étais un oiseau, je me percherais sur le toit de notre maison
Et j’écouterais par en-dessous le gargouillis des narghilés
Ah si mon cousin pouvait avoir un turban ou une chemise !
Il s’habillerait le jeudi ou la nuit du vendredi
Ah si mon cousin pouvait avoir du tabac à priser !
J’offrirais du tabac au cheikh et aux notables qui sont dans mon salon
Le cheikh qui célèbre le nom de Mohammed pour qu’il intercède
Pour qu’il nous évite la géhenne, son feu et sa chaleur »

14.2- Yâ muslimîn/Ô musulmans
Razfa/chant satyrique

« – Yâ muslimîn yâ ‘ibâd Allah anâ al-hâyim
Wa-nâ -lladhî taht shubbâk al-hâkîm nâyim
– Usbur tusabbur ‘alâ nafsek wa-illâ mutt
Lawmâ yubîdayn hamâmat al-hawâyâ guf
Aw yijma’ Allahi ma bayn ad-dîfa wal-huf
Aw yijmad al-mâ’ ‘alâ salwa al-nakhleh ezra’tuh »

« – Ô musulmans, ô serviteurs d’Allah, je suis éploré
C’est moi qui dors sous la fenêtre du gouverneur
– Patiente, tu supporteras tes sentiments, ou tu en mourras
Patiente jusqu’à ce que le pigeon ponde en l’air
Jusqu’à ce que l’eau qui irrigue le palmier se mette à geler »

14.3- « El-hamdu li-llah »/Louanges à Allah
Mahjal/chant de travail

« Al-hamdulillah khâligan
Alladhî ya’lam bi-mâ lâ na’lameh
Al-wahîda farad es-samad
Sabhânahu mâ akrameh Hamdan »

« Louanges à Allah, le Créateur
Celui qui sait ce que nous ne savons pas
L’Unique, l’Inébranlable
Il n’y a pas plus généreux que Lui »


  • Référence : 321.035
  • Ean : 794 881 640 027
  • Artiste principal : Association des chantres yéménites (جمعية المنشدين اليمنيين)
  • Année d’enregistrement : 1998
  • Année de fixation : 2001
  • Genre : Chant de sanaa
  • Pays d’origine : Yémen
  • Ville d’enregistrement : Paris
  • Langue principale : Arabe
  • Compositeurs : Musique traditionnelle
  • Lyricists : Musique traditionnelle
  • Copyright : Institut du Monde Arabe