Mohammed Murshid Nâjî (né en 1929) est originaire d’Abyan, une vallée très pauvre située à l’est d’Aden et dont la culture traditionnelle est très influencée par l’Afrique. Très jeune, il passa par la Nadwa ‘Adaniya, alors à ses débuts, avant de s’en séparer. Nationaliste farouche, il s’orienta vers la chanson patriotique, participant activement au mouvement anticolonial. Il a cependant un superbe répertoire de chansons sentimentales comme Yâ ward mâ ziltu ahwâki (Ô ma rose, je t’aime toujours), Yâ habîbî ayyu ‘îdi (Mon amour, pour quelle fête ?), ainsi que celles qui sont enregistrées sur ce disque. Il interprète des textes anciens, comme ceux de Yahyâ ‘Umar, fameux poète du xviiie siècle, mais aussi et surtout ceux de grands poètes contemporains comme Mohammed ‘Abduh Ghânem (mort en 1994), Mohammed Sa’îd Jarâda (plage 3) et le hadrami Abû Bakr al-Mihdâr (mort en 1999, plage 4). Le répertoire de Murshid Nâjî est un véritable creuset où lui-même a fondu les diverses influences s’exerçant à Aden et dans sa région, adaptant de nombreuses mélodies populaires pour le luth (plage 2). Murshid Nâjî est aussi un fin lettré, auquel on doit plusieurs ouvrages sur la musique yéménite.
La chanson d’Aden est donc le témoin des recherches esthétiques du xxe siècle, qui serviront sans doute de base pour toute la chanson yéménite à venir.
Jean Lambert
Album disponible : La chanson d’Aden