Arabesques vocales

Aïcha Redouane

A la fin du XIXe siècle, les pays du Machreq connaissent, sous l’appellation de Nahda, un mouvement de renaissance culturelle extraordinaire dont le Caire fut le centre névralgique. En musique, cette période a été marquée par l’émergence de nouveaux talents qui ont lancé l’art du maqâm et fondé un patrimoine considérable. En se saisissant de ce patrimoine, Aïcha Redouane et l’ensemble al-Adwâr ont su faire revivre avec authenticité, la beauté de cette forme musicale, hélas mise à mal au tournant des années 30, vague moderniste oblige. Interprète de talent sur fond d’un riche répertoire de taqsîm, de muwachchah et de mawwâl, permettant de nombreuses variations improvisées vocales et instrumentales, Aïcha Redouane plonge son auditoire dans une ambiance faite de magie et d’extase inhérentes au tarab.


Tracklist

Wasla en maqâm hijâz – 21’01
1- Kathîr an-nifâr/Trop farouche – 2’57
2- Ma-htiyâlî yâ rifâqî/Que faire ô mes compagnons? – 3’46
3- Sabah es-sabâh/Le jour se lève – 4’53
4- Allâhu ya‘lamu anna n-nafsa hâlikatun bil ya’si minki/Dieu sait que mon âme se meurt de désespoir pour toi – 9’26

Wasla en maqâm bayyâtî – 24’56
5- Improvisations au luth et au violon – 1’28
6- Qâtilî bighanj il-kahal/Il me ravit par la coquetterie de ses yeux noirs – 2’25
7- Fîka kullu mâ arâ hasan/Tout ce que je vois en toi est beau – 1’32
8- Lî habîbun…/J’ai un amant… – 8’22
9- Arâka ‘asyy ad-dam‘/Je te vois résistant aux larmes – 11’10

Wasla en maqâm hijâz kâr – 24’20
10- Ouverture instrumentale – 3’12
11- Yâ ghazâlan/Ô gazelle – 1’53
12- Tûl el-layâlî/Tout au long des nuits – 5’55
13- Allah yisûn dawlet husnak/Que Dieu protège l’état de ton excellence – 13’22


Interprètes et instruments

Aïcha Redouane (chant)
Ensemble Al-Adwâr :
– Salah el-Din Mohamed (kanoun)
– Brahim Meziane el-Otman (oud)
– Farhat Bouallagui (kamandja)
– Habib Yammine (riqq)


A propos

Ce disque contient trois wasla ou séquences musicales dans les maqâm hijâz, bayyâtî et hijâz kâr. La matière musicale de ces wasla nous transporte en plein âge d’or de la Nahda (Renaissance culturelle arabe). Elle confirme également le choix esthétique d’Aïcha Redouane et de l’ensemble al-Adwâr annoncé dans leur premier disque « Egypte », édité par Ocora-Radio France en 1993.

En effet, les différentes formes vocales (muwashshah, qasîda, layâlî-mawwâl et dawr) ou instrumentales (dûlâb, samâ‘î et taqsîm/improvisation) représentent diverses expressions musicales composées, semi-composées ou improvisées, mesurées ou non mesurées dans l’élaboration mélodico-modale d’un maqâm.

Par la richesse et la diversité de son contenu, ce programme fait le lien entre l’école égyptienne qui cultivait l’art de la qasîda, du dawr et du mawwâl, et l’école syrienne, alépine, où le muwashshah a atteint sa perfection. Par leur structure mélodico-rythmique, les quatre muwashshah (plages 1, 2, 6 et 7) reflètent l’esthétique de l’école savante d’Alep qui a joué un rôle fondamental dans l’enrichissement de la stylistique musicale de la Nahda. Ils se caractérisent par la diversité et la complexité de leurs cycles rythmiques (9, 12, 16 et 32 temps) ainsi que par l’impossibilité de pouvoir ramener leur forme à un schéma type, comme on a pu le croire pendant longtemps.

Elaboré en Andalousie, le muwashshah fut conçu pour être chanté. Il est écrit en arabe classique ou semi-classique. Sa forme poétique strophique rompt avec l’unité de la rime et l’uniformité du mètre de la qasîda classique, ce qui n’empêche pas qu’un grand nombre de muwashshah orientaux possèdent la forme poétique de la qasîda. Sa poésie privilégie les thèmes de l’amour, du vin et de la nature. Musicalement ce sont souvent des compositions fixes et mesurées sur des cycles boiteux ou composés. Cependant, certaines d’entre elles, comme le muwashshah «Ma-htiyâlî yâ rifâqî» (plage 2) se prêtent aux variations improvisées.

La wasla s’ouvre par une pièce instrumentale mesurée (dûlâb ou samâ‘î), ou par une improvisation (taqsîm) non mesurée à laquelle succèdent un ou deux muwashshah. Viennent ensuite des improvisations vocales non mesurées : un layâlî, un mawwâl (poème dialectal égyptien) ou une qasîda mursala (improvisation sur un poème classique), puis l’on conclut par une qasîda mûwaqqa‘a (poème classique mesuré) ou un dawr en dialecte égyptien. Des improvisations instrumentales (taqâsîm) introduisent ou concluent ces différentes formes.

Enregistré en public, ce nouveau disque rend compte de l’importance capitales que revêt la relation entre l’artiste et l’auditoire. Sans la présence de ce dernier, la quête du tarab (émotion musicale) est difficilement envisageable, à moins qu’elle ne soit une voie individuelle de l’ascétisme musical.

Rien de tel ici : l’exploration de l’univers modal-émotionnel d’un maqâm s’effectue en communion avec les auditeurs qui répondent à l’effet musical immédiat. Cette émotion musicale partagée entre l’auditeur et l’artiste ne se dévoile qu’au prix du dépassement et de l’abandon de soi.

Dans l’espoir de donner un souffle nouveau à la musique de la Nahda, Aïcha Redouane et le percussionniste-ethnomusicologue Habib Yammine ont fondé, en 1991, l’ensemble al-Adwâr (mot qui désigne à la fois les cycles rythmiques et mélodiques, une des formes vocales du répertoire et, symboliquement, l’éternel retour) réunissant autour d’eux trois solistes : Salah el-Din Mohamed, grand spécialiste du qânûn (cithare sur table), Brahim Meziane el-Otmani, joueur de ‘ûd et le violoniste Farhat Bouallagui.


Détails des enregistrements

Wasla en maqâm hijâz – 21’01

1Kathîr an-nifâr/Trop farouche – 2’57
Dûlâb hijâz et muwashshah
Court prélude instrumental mesuré sur le rythme binaire wahda, le dûlâb installe le sentiment modal du maqâm dans lequel se déroule la wasla ou la pièce suivante. De poète et de compositeur anonymes, ce muwashshah est construit sur le rythme sittat ‘ashar (qui signifie seize) l’équivalent de 16/2 ou 32/4. C’est un poème d’amour décrivant l’être aimé en attente d’une union qui ne se réalise pas. Les mélismes mettant en valeur la voix de la soliste qui se substitue à celle de l’amoureux sont en même temps des expressions d’exaspération et d’impatience causées par l’attente. Ils ont pour support des mots très courants étrangers au texte poétique : âh (ô), amân (paix), yâ lâ lâ, leyly yâ ‘eynî (ma nuit, mon œil/source).

2Ma-htiyâlî yâ rifâqî/Que faire ô mes compagnons? – 3’46
Muwashshah
De poète et de compositeur également anonymes, ce muwashshah est composé sur le rythme aqsâq (9 temps). Sa forme musicale complète (AABA ou dawr-khânâ-ghatâ’) reflète sa forme poétique. Tandis que le dawr et le ghatâ’ évoluent sur la même mélodie, des colorations modales enjolivent la khânâ, sous forme d’improvisations chantées d’une manière responsoriale entre la chanteuse et le chœur (madhabgiyya) assuré par les instrumentistes.

3Sabah es-sabâh/Le jour se lève – 4’53
Taqsîm qânûn, layâlî-mawwâl
Ce mawwâl annoncé par un taqsîm au qânûn et un layâlî est une improvisation vocale accompagnée par un des instruments du takht, en l’occurrence le qânûn, instrument fétiche de la chanteuse. Poème en dialecte égyptien de cinq vers, souvent à double signification, il est à rimes homophones, le quatrième vers ayant une rime libre. La poésie évoque un rendez-vous au lever du jour où toutes les jeunes filles (budûr/pleines lunes) se rendent à la source tôt le matin (badrî) pour puiser l’eau, et seule, la bien-aimée est arrivée en retard.

4Allâhu ya‘lamu anna n-nafsa hâlikatun bil ya’si minki/Dieu sait que mon âme se meurt de désespoir pour toi – 9’26
Dûlâb hijâz et qasîda mûwaqqa‘a
Musicalement, la qasîda mûwaqqa‘a, ou poème classique mesuré, est une forme vocale basée sur le rythme binaire wahda (2 temps). L’auteur de ce poème monorime est le poète udhrit Qays ibn al-Mulawwah, surnommé Majnûn Layla (Fou de Layla), du VIIe siècle. Cette qasîda est construite sur le thème favori de la poésie udhrite ou chaste qui est la soumission totale à l’amour jusqu’à l’anéantissement. Rendant hommage au grand vocaliste le cheikh Yûsuf al-Manyalâwî (1850-1911), Aïcha Redouane a voulu rester fidèle à la version du maître et à l’esprit du maqâm hijâz qui rend si bien les sentiments de déperdition dans l’amour et la soumission à la volonté divine soulignés par le poème (sabran ‘alâ mâ qadâhu-llâh). La qasîda est suivie d’une série d’improvisations (taqâsîm et layâlî) sur le rythme binaire bamb.

Wasla en maqâm bayyâtî – 24’56

5– Improvisations au luth et au violon – 1’28
Taqâsîm ‘ûd wa kamân
Deux courtes improvisations instrumentales annoncent le maqâm bayyâtî.

6Qâtilî bighanj il-kahal/Il me ravit par la coquetterie de ses yeux noirs – 2’25
Dûlâb bayyâtî
Faisant partie des muwashshah de poète et de compositeur anonymes, cette ancienne mélodie mesurée sur le rythme warshân (32 temps) suggère un sentiment de bien-être et de sérénité comme bon nombre de chants qui participent à la formation de la mémoire collective au Proche-Orient.

7Fîka kullu mâ arâ hasan/Tout ce que je vois en toi est beau – 1’32
Muwashshah
Mesuré sur le rythme mudawwar masrî (12 temps), ce muwashshah très prisé dans les pays du Levant, notamment dans la tradition syrienne, possède une structure musicale complète (ABBA : dawr-khâna-ghatâ’) équivalente à sa forme poétique. Il illustre le responsorial entre la chanteuse et les madhhabgiyya qui ponctuent par «yâ ‘eynî» chaque fin de phrase vocale dans le dawr et le ghatâ’.

8Lî habîbun…/J’ai un amant… – 8’22
Taqsîm-layâlî, qasîda mursala
Improvisation vocale sur un poème classique.
Un taqsîm au qânûn et un layâlî annoncent la qasîda. La structure strophique du poème (AAABB, CCCBB, DDDBB) guide le parcours maqâmien en trois étapes modales dans le maqâm bayyâtî. La qasîda s’achève sur un taqsîm au kamân, un layâlî et un taqsîm au ‘ûd.
La thématique poétique traite de la vénération de l’être aimé inaccessible auquel la beauté confère un pouvoir illimité :

Je vénère mon bien-aimé par-dessus tout,
Il n’a pas son pareil parmi les êtres, […]
Il est plus parfait que la pleine lune,
Il est plus important que le soleil,
Il est indescriptible et incomparable […]

A la fin du poème, la douleur causée par le refus du bien-aimé unique et incomparable devient un amour douloureux auquel même la mort ne peut mettre fin (Wa-idhâ dammanî ad-darîhu farûhî ba‘da mawtî taruffu fî maghnâka/Et après ma mort, quand la tombe m’enlacera, dans ta demeure, mon âme flottera).

Aïcha Redouane met en valeur les différents états d’âme décrits dans ce poème en investissant l’espace sonore avec une ornementation riche et variée et un goût de l’esthétique original et rare lui permettant d’enchaîner notes tenues (madda), vibrato (tarjîf), trilles, gradation (tadrîj), glissandi, arrêts successifs, legato, nasalisation (ghunna) et amplification (tafkhîm) de la voix.

9- Arâka ‘asyy ad-dam‘/Je te vois résistant aux larmes – 11’10
Dûlâb bayyâtî, qasîda mûwaqqa‘a
Dûlâb, court prélude instrumental. La qasîda mûwaqqa‘a est une forme chantée, bâtie sur un poème classique monorime, mesurée sur le rythme binaire wahda (2 temps). Sans longueur fixe, elle est ouverte aux variations improvisées selon l’inspiration de l’interprète.
Ecrite par le prince-poète alépin Abû Firâs al-Hamadânî (932-968), cette qasîda est l’une des plus célèbres de la poésie classique arabe. Elle fait partie d’un ensemble de poèmes qui ont été écrits durant les sept années de détention du poète et qui sont connus sous le nom de rûmiyyât (byzantines).
Il s’agit de la plainte d’un prince prisonnier des Rûm (Byzantins), victime de séquestration, d’amour inassouvi, d’éloignement et trop fier pour pleurer. Il donne libre cours à ses larmes dans la solitude de la nuit.
Depuis Abdû al-Hamûlî (1845-1901), cette qasîda a été chantée par plusieurs interprètes, dont Abd al-Hayy Hilmî et Oum Kalsoum. A la manière des chanteurs de la Nahda, Aïcha Redouane commence et termine le chant par dûlâb al-‘awâzel (cercle des censeurs), leitmotiv mélodique transposable dans tous les maqâmât et chanté sur un vers dialectal égyptien. Il sera repris par les musiciens du takht comme réplique lorsque la chanteuse conclut un vers dans le maqâm de base.
Au fur et à mesure que le chant évolue, les traits stylistiques et vocaux apportés par la soliste se fondent dans la trame de la qasîda, lui donnant un nouveau profil, jamais définitif, témoignant d’un art en perpétuel renouvellement. Taqâsîm et layâlî bamb viennent couronner ce grand moment d’émotion.

Wasla en maqâm hijâz kâr – 24’20

10– Ouverture instrumentale – 3’12
Samâ‘î shatt ‘arabân
Mesurée sur le rythme samâ‘î thaqîl (10 temps), cette ouverture instrumentale est l’œuvre de Jamîl Beyk al-Tambûrî (1871-1925), un des grands maîtres de la musique turque. Il s’est distingué par le jeu du tambûr (luth à manche long) et la composition de bashraf et de samâ‘î, comme celui-ci, qui furent adaptés à la stylistique arabe au XIXe siècle.
Un court taqsîm au ‘ûd fait le lien entre le samâ‘î et le dûlâb suivant.

11Yâ ghazâlan/Ô gazelle – 1’53
Dûlâb hijâz kâr, muwashshah
Ce muwashshah a été composé par Muhammad ‘Uthmân (1855-1900) sur le rythme nawakht (7 temps). Chantés sur la même mélodie, les deux vers en arabe classique décrivent un amour qui oscille entre la présence et l’absence de l’être aimé.

Ô gazelle, aux yeux maquillés de khôl
Ma passion pour toi s’est installée dans mon cœur
Tu me rends visite et tu t’absentes {de mes yeux}
Telle une étoile qui se lève et se couche.

12Tûl el-layâlî/Tout au long des nuits – 5’55
Taqsîm qânûn-layâlî et mawwâl
La situation sentimentale décrite dans le muwashshah précédent évolue dans ce mawwâl pour se transformer durant de longues nuits en une solitude totale consumant l’amoureux auquel il ne reste que le souhait de rencontrer l’être bien-aimé par la pensée (Yâ reyt yâ rûhî yikûn bâlak ma‘âh bâlî/Si seulement, ô mon âme, ta pensée pouvait être avec la mienne). Accentué par le maqâm hijâz kâr propice au sentiment de tourment, l’ethos alanguissant du poème est merveilleusement bien exprimé par la soliste. Elle étire avec insistance le son voulant recréer cette impression de lenteur qui envahit les nuits de solitude (tûl el-layâlî) et d’éloignement (tûl el-bu‘d) dans ce mawwâl.
Un layâlî bamb lie le mawwâl au dawr, dernière pièce de la wasla.

13Allah yisûn dawlet husnak/Que Dieu protège l’état de ton excellence – 13’22
Dawr.
Poème en dialecte égyptien de Abd ar-Rahmân Qarâ‘ah.
Suite à un séjour à Istanbul, le chanteur Abdû al-Hâmûlî (1845-1901) a introduit en Egypte le maqâm hijâz kâr, mode dans lequel il conçut ce dawr, qui a par ailleurs été interprété lors des fêtes consacrées à l’inauguration du canal de Suez. Historiquement, le dawr a été élaboré en Egypte au courant du XIXe siècle. Basé sur un poème strophique dialectal et mesuré sur le rythme wahda sâ‘ira (2 temps), il est construit selon la forme de thème et variations. Il se chante généralement en fin de wasla ou en fin de concert marquant ainsi le summum de la créativité musicale et du tarab.
La version dont il est question ici est constituée du madhhab composé, thème principal, et de plusieurs tableaux mélodiques illustrant les improvisations apportées par la soliste dans les différentes étapes modales constituant le dawr. Le poème met l’accent sur l’état psychologique de l’amoureux qui souffre d’amour et ne peut guérir que par le rapprochement avec l’être aimé.
Mêlant fantaisie et passion, la chanteuse réalise le développement musical de cette pièce, soulignant l’obsession maladive dans laquelle s’enferme l’amoureux par la réitération incessante des plaintes (Ashkî lî-mîn gheyrak hubbak/A qui d’autre que toi plaindrai-je ton amour ; Ana l‘alîl/Je suis malade), des gémissements et des soupirs (âhât) traduisant un état délirant. Ceci est soutenu par une progression mélodique qui aboutit à une tension marquant la fin du parcours maqâmien. Cette tension se résout par une catharsis, sur le plan musical, en un retour à la modalité de base, d’où l’appellation dawr (cycle) et, sur le plan poétique par l’imploration de l’amoureux qui demande le rapprochement de l’être aimé (ismah wi-dâwînî bi-urbak).

Habib Yammine
Ethnomusicologue


  • Référence : 321.015
  • Ean : 794 881 618 323
  • Artiste principal : Aïcha Redouane (عائشة رضوان)
  • Année d’enregistrement : 1995
  • Année de fixation : 2000
  • Genre : Wasla
  • Pays d’origine : Proche-Orient
  • Ville d’enregistrement : Paris
  • Langue principale : Arabe
  • Compositeurs : Musique traditionnelle
  • Lyricists : Musique traditionnelle
  • Copyright : Institut du Monde Arabe

Disponible en CD – Acheter ici