Youssef Hbeisch vit entre Haïfa, Paris et les scènes du monde. Né en 1967 en Galilée, il commence à jouer des percussions à l’âge de sept ans. Son frère lui en enseigne les rudiments puis emmène rapidement l’enfant prodige jouer avec lui dans les mariages. Il étudie plus tard la philosophie et la musicologie et fait des recherches sur le rythme dans différentes cultures. Spécialiste des percussions orientales, il maîtrise en outre des traditions musicales variées (indiennes, cubaines, africaines, latines…) dont il mâtine son jeu pour en faire un style raffiné et novateur, loué par les connaisseurs. Youssef a enseigné durant sept ans au Conservatoire National de Musique Edward Said (Jérusalem-Est) et durant dix ans au Conservatoire de Beit Al Musica (Shefa Amr). Il donne régulièrement des séminaires universitaires ainsi que des master class en divers pays. Animer des ateliers de percussions pour des femmes battues, des enfants handicapés, des prisonniers… dans une perspective de thérapie par l’art, lui tient également à coeur. Il s’agit de développer l’expression personnelle, l’intercommunication et la dynamique de groupe. Cette pluralité d’expériences l’a conduit à élaborer une méthode d’enseignement originale pour le rythme et les percussions. Il s’est notamment produit avec Simon Shaheen, Süleyman Erguner, le groupe de modern jazz Aka Moon, l’ensemble Saltanah avec Dorsaf Hamdani, Issa Hassan (bouzouk kurde), Ibrahim Maalouf, l’Ensemble de la Paix de Soeur Marie Keyrouz (musique sacrée), le groupe occitan Lo Cor de la Plana, l’Ensemble Araméa de Rula Safar (musique baroque). Il joue encore avec Bratsch, Elie Maalouf (jazz oriental), Abed Azrié, Karloma et l’Oriental Music Ensemble ; et accompagne depuis 2007 le Trio Joubran.
La musique est pour Youssef un carrefour entre monde intérieur et monde externe. Jouer signifie donner. Être entendu lui est un cadeau. User de tous les potentiels de la percussion lui permet de décrire ces mondes, leurs moments et leurs nuances, dans la dimension sonore. Caresser, brosser, frapper chaque instrument au moment adéquat et avec la pression requise, est sa façon de dire violence et douceur, tendresse et cruauté, sécurité puis sauvagerie. Ses instruments sont les outils d’expression d’une mélancolie liée aux tragédies du monde arabe : l’héritage de l’histoire, source de fierté et d’inspiration mais aussi fardeau que nul ne mérite de porter ; ou le sentiment d’enfermement intériorisé jusqu’à s’imposer à soi-même des limites. Mais le ghetto intérieur est, chez Youssef, depuis longtemps dépassé. Et la souffrance perçue à l’entendre jouer s’inscrit dans l’universel. S’y retrouve tout être traversé par certains conflits : frontières contre liberté ; confusion contre stabilité ; passé dévastateur contre aptitude à savourer le moment présent et construire le futur ; exil contre… évidence du cela va de soi. Moins de nostalgie donc, que d’amertume à voir ce que l’humain peut infliger à l’humain. Surtout, la douleur de l’effort pour aller de l’avant. Parce que ses solides racines lui confèrent la force de se hausser et une direction vers l’infini. Parce que l’art est aussi l’expression de sa recherche spirituelle.
Album disponible : Sabîl