Sabîl

Sabîl

Ahmad Al Khatib & Youssef Hbeisch

Cet album nous invite sur les sentes mystérieuses de l’âme, là où éclosent les impressions nouvelles. Conduit par la profondeur du jeu du luthiste Ahmad Al Khatib et la virtuosité du percussionniste Youssef Hbeisch, ce duo nous offre la perspective d’un avenir oriental musical. Leur musique est poétique, tantôt soufflant doucement comme une brise, tantôt agitée et véhémente. Elle laisse deviner une intime compréhension de l’homme, de ses sentiments, de ses désirs, de ses rêves, de ses cauchemars.


Tracklist

1Khudnī macak/Emmène-moi – 7’18
2Sifr El-Khurūj I- Musa/Exode I – Moïse – 4’19
3Sifr El-Khurūj II – Kancān/Exode II – Canaan – 1’52
4Sifr El-Khurūj III – Nahrayn/Exode III – Deux fleuves – 4’26
5Bayyāc El-Ward/Le marchand de roses – 5’46
6Li Alix/Pour Alix – 5’08
7Maqām li Ghazzā/Maqām pour Gaza – 4’39
8 Sabīl/En route – 4’39
9 – ꜥOrs/Noces – 4’37
10 – Shadhā/Fragrance – 4’35
11 Ya Halālū yā mālū/Leur Palestine – 5’3


Interprètes et instruments

Ahmad Al Khatib (oud)
Youssef Hbeisch (bendir, derbouka, riqq)


À propos

Cet album est dédié à Ibrahim Al Khatib (1938 – 2011)

Baille au volume d’un lit
Et dors comme tu veux
Nous sommes égaux sur l’oreiller
Un croyant prie sur des épines
Un rebelle fait la cour à une coupe
Déchirant les manches d’une rose
Nous sommes égaux sur l’oreiller
Nous sommes égaux entre la haine et l’affection
Et lorsque la paupière se ferme
La couleur se mélange :
L’un dort sur le bras de son amoureuse
L’autre dort tout seul
L’un dort sur des plumes d’autruche
La terre mange la peau de l’autre
Nous sommes égaux sur l’oreiller
Un pauvre vole sans ailes
Une galette de métal précieux brille à son horizon
Et sur ses doigts coulent les souhaits
Comme le chapelet
Aveugle et il marche avec le sommeil sans bâton
Et une bataille commence… et se termine sans armes
Nous sommes égaux sur l’oreiller
Baille au volume d’un lit
Et dors comme tu veux
Car après un sommeil et un jour
Le lit te devient plus serré
Et tu te réveilles en faisant un rêve qui se termine
Par Ibrahim Al Khatib

Traduit de l’arabe par Nadine Srouji

Dans l’empire des sons loge le désir

Le joueur de oud Ahmad Al Khatib et le percussionniste Youssef Hbeisch nous invitent à les suivre sur un sabîl, un chemin menant vers de mystérieuses contrées, là où naissent de nouvelles impressions. Ils nous mènent vers des lieux empreints de désir et de nostalgie, qui palpitent au fond de nous et nous ramènent sans cesse vers des univers particuliers en quête d’expériences inédites. Mû par le jeu ensorceleur et virtuose de Youssef Hbeisch et la profondeur lyrique du luthiste Ahmad Al Khatib, le duo nous offre la vision d’un avenir musical oriental. Leur jeu est poétique, doux comme une brise, puis vigoureux et inquiet. Et l’album, sur lequel luth et percussions semblent dialoguer, captive de bout en bout. À partir d’une combinaison complexe des tonalités du oud et des percussions, le duo développe un concept poétique consacré aux aspirations non comblées. Insistante, la musique s’infiltre au plus intime de la compréhension de l’être, dans ses émotions, ses espoirs, ses rêves, ses cauchemars. Ahmad Al Khatib et Youssef Hbeisch improvisent sans recourir à aucun artifice dramatique. Naissant de l’improvisation, leur joie est toujours perceptible, vivifiante et stimulante pour l’auditeur. Avec Sabîl, le duo palestinien fait converger les éléments constitutifs de leurs styles personnels en une forme commune et novatrice. Ainsi la frontière entre les sons spécifiques au luth ou aux percussions s’estompe. Cette musique là n’est donc pas facile à classer… Elle recèle tout un spectre de couleurs et d’univers sonores divers. Les artistes ont réussi à l’émanciper des sons familiers. De leurs compositions filtre une grande connaissance des formes musicales traditionnelles, classiques et contemporaines. Mais leurs créations réunissent, et donnent également à entendre des rythmes et des mélodies issus d’horizons musicaux variés. Tradition et modernité sont valorisées à parts égales : les musiciens créent des mélodies contemporaines dont les sons légers et délicats convainquent autant que les éléments rythmiques. Le luth assume la part mélodieuse tout en développant sa dynamique propre : sa voix mélancolique erre solitaire et parachève son équilibre au contact du jeu des percussions. Le duo, qui ne perd pas de vue ses racines musicales orientales, ne manque pas d’interroger simultanément plusieurs univers sonores pour enrichir durablement son travail. L’attachement spirituel d’Ahmad Al Khatib et de Youssef Hbeisch à l’art musical oriental et leur connaissance approfondie de ses subtilités sont toujours reconnaissables. Ils développent un regard original sur la musique proche-orientale tout en s’inspirant de thèmes traditionnels pour les intégrer dans leurs créations. Leur musique choie nos oreilles. Elle est inattendue ; elle surprend notre ouïe. Son essence nous ramène à nos origines, à nos propres racines : elle génère la quiétude, loin des tensions et de l’agitation de la civilisation moderne. Serait-ce là la sagesse orientale ? Elle nous parle, nous touche, nous interpelle… exigeant que nous lui répondions ou l’interrogions à notre tour. Elle raconte des histoires, elle conte. Dans l’empire des sons loge le désir. Il ne s’agit pas d’un monde extérieur, qu’il faut décrire pour l’appréhender, mais d’un monde dans lequel nous pénétrons puisqu’il abrite les mondes perdus que nous recherchons ou dont nous rêvons. Dans ces mondes commandés par les sons, se cache le désir. Ces sons nous reconnaissent. Ils nous émeuvent agréablement, presque sensuellement. L’accès au moment musical séduisant est instantané. Alors écoutons et laissons-nous emporter par son charme !

Par Suleman Taufiq
Traduit de l’allemand par Dorothée Engel


L’entretien

Ahmad, quelques mots sur l’histoire de la musique arabe…?
Farâbî écrit que « les Arabes ont tiré leur musique des littératures grecques et perses qu’ils avaient traduites. Ils y ont ajouté ce qui était nécessaire pour chanter en arabe et, mettant en musique leur poésie, ils ont eu recours à des formules rythmiques créant la mélancolie que nul n’avait utilisées auparavant ». Ainsi que dans d’autres domaines artistiques ou scientifiques, les Arabes ont traduit la théorie musicale des Grecs anciens, par exemple, ils l’ont maîtrisée, puis développée dans une direction spécifique. Puis même si elle avait une vie indépendante, la musique arabe a une longue histoire d’interactions avec les styles d’autres régions. C’est un syncrétisme issu de la fusion des musiques de tous les peuples qui composent le monde arabo-musulman et des cultures avec lesquelles ils étaient en contact : Inde, Occident, etc.

Peux-tu nous parler du oud ?
Central dans la musique arabe, il a une histoire ancienne et depuis le 9e siècle, la tradition musicale du bassin méditerranéen fut en grande partie basée sur le oud. Contrairement à d’autres instruments à cordes pincées, son manche ne comporte pas de frettes, ce qui permet une expressivité supplémentaire par l’usage du glissement et du vibrato. Cela permet aussi de jouer les micro-intervalles du système arabe des maqâm, qui est au cœur de la musique pour oud. Le terme maqâm désigne un mode, un type de mélodie bâtie sur une ou plusieurs gammes, selon une tradition qui définit les phrases musicales, les notes importantes, les développements mélodiques et les modulations. La composition et l’improvisation sont fondées sur ce système, qui n’inclut pas d’élément rythmique et peut être utilisé en musique vocale ou instrumentale.

Sabîl s’inscrit dans la continuité de la musique arabe classique ?
Oui et non. En musique orientale classique, tout en demeurant dans les limites posées par la tradition, il est nécessaire d’être un compositeur, un arrangeur, un improvisateur libre. La virtuosité et la créativité requises en font pour moi une responsabilité des plus exigeantes. Et je suis à une étape où la musique expérimentale m’attire davantage, reflète mieux ma vision que la musique classique. Farâbî écrit aussi que la musique provient du besoin humain d’exprimer ses émotions, que c’est une des voies vers la satisfaction. Relisant récemment son célèbre ouvrage, j’ai réalisé que Sabîl n’est autre qu’un lien dans le fil de la musique arabe, les différentes influences et expériences que j’ai pu connaître s’étant fondues dans le creuset du oud et de la musique arabe. Sabîl serait en ce sens ma tentative de transmettre émotions et idées, mais aussi d’élargir les limites de l’expression musicale, de chercher de nouvelles sonorités, de nouvelles couleurs, de nouveaux rythmes, de tester de nouveaux chemins tout en gardant contact avec mes racines. On trouve toujours quelque chose de nouveau à essayer, comme quelque chose d’authentique auquel se connecter, et il faut « tenir ensemble » les deux dimensions.

Certaines influences ou expériences t’ont-elles marqué en particulier, ou marquent-elles des morceaux de l’album ?
Je suis ouvert aux inspirations et aux influences d’où qu’elles viennent. Chaque événement, anecdote, rencontre, musicaux ou non, me nourrissent et contribuent à ma compréhension de moi-même et du monde. Je suis constamment en recherche pour le simple plaisir de l’exploration, jamais pleinement satisfait, mais sans rien regretter. Quant aux morceaux de cet album, certains ont pris des années à être composés, d’autres quelques jours. Ils ont tous leur histoire : amour et exil, nostalgie et espoir, colère, empathie, douleur… je laisse chacun les découvrir par l’écoute.

Pourrais-tu fournir quelques explications un peu techniques sur Sabîl, pour les musiciens non familiers avec la musique arabe ?
Prenons l’exemple du samâcî Bayyâc Al-Ward 4. J’ai commencé à composer ce morceau juste après mon arrivée en Suède, en 2004. Dans la perspective de la musique arabe, c’est le plus traditionnel de l’album, du fait de deux caractéristiques. Première caractéristique, le mode (maqâm) dit Bastanikâr : il appartient à la famille Sîkah, une famille singulière de modes fondés sur le quart de ton. Le mode Bastanikâr est une combinaison de l’accord parfait Sîkah à la base, et du tétracorde Sâbâ sur la 3e note ; il influence presque tous les autres modes de la famille Sîkah et d’autres comme le Râhat al Arwâh (Huzâm), cIrâq, Mustacâr, Mukhâlaf, cAwj, Hijâz et Bayât. Bastanikâr fait partie des modes en voie de disparition, rarement utilisés en raison de leur complexité : ici, tous les micro-intervalles requis dans son interprétation, la difficulté de la structure musicale et le manque de références dont on dispose à son propos. L’idée m’est venue à l’écoute d’un chantre Égyptien récitant le Coran, dont les intonations et la structure mélodique m’ont surpris. J’ai alors décidé de me poser un défi en essayant de composer un morceau instrumental utilisant ce mode et d’en exposer diverses modulations possibles. Seconde caractéristique : la forme samâcî est une des formes instrumentales les plus courantes dans la musique du Proche-Orient. Sa pierre angulaire est une structure rythmique de 10 temps par cycle (10/8) pour les quatre premières parties ; puis dans la dernière partie, le compositeur est libre d’adopter toute formule rythmique adéquate. Mon choix s’est porté sur Georgina, un 10/16 rapide, commun dans la musique folklorique irakienne. Et, alors que le samâcî a une forme classique de type ABCBDBEB, j’ai enfreint la règle en passant directement de la quatrième partie (C) à la cinquième (E), sans reprendre le refrain (B) entre les deux. Cette cinquième partie est inspirée par une célèbre chanson folklorique irakienne, cAmmî yâ bayyâc el-ward par Hdairi Abu Aziz.

Comment vous êtes-vous rencontrés, avec Youssef ?
J’ai rencontré Youssef en 1998, à Jérusalem. Assistant à un concert où il jouait, j’ai été impressionné : percussionniste de première classe, c’est un musicien très original. Jouer avec lui est une belle expérience, car son imagination et sa créativité suscitent l’inspiration. Or, jouer en duo avec un oud représente un défi ardu pour un percussionniste en raison de l’intensité des ornements, de la complexité des structures et sous-divisions rythmiques et de l’étendue des dynamiques. Grâce à son talent, à la délicatesse de son jeu et à sa maîtrise des structures rythmiques les plus inhabituelles, Youssef relève le défi. Sa composition Pour Alix en est une incroyable illustration, elle amène presque l’auditeur à un état de transe.

Youssef, d’où te vient l’amour du rythme ?
Peut-être date-t-il de l’époque où, dans le ventre de ma mère, j’entendais ses battements de coeur ? Très jeune, en tous cas, j’ai commencé à repérer les rythmes du quotidien : vers cinq ans, j’entendais ma mère tamiser du blé et m’amusais à reproduire la dynamique des sons. Et cet attachement au rythme persiste parce que c’est le rythme qui tient un morceau. Comme les fondations et la charpente d’un bâtiment, que l’on n’aperçoit pas au premier abord, mais qui soutiennent le tout. Lorsqu’on écoute de la musique, on entend d’abord la mélodie ; puis, en prêtant attention au rythme, on réalise que s’il se modifie, ce mouvement changeant génère une tension qui accroît la dynamique de chaque phrase musicale. Mouvement et dynamique sont ainsi le cœur battant de la musique, faite de notes et de divisions temporelles. J’aime l’aspect abstrait de ces dernières et créer de la beauté à partir d’abstractions mathématiques. L’invention de différentes unités rythmiques peut transformer la mélodie et j’ai plaisir, selon les divisions créées, à donner le jour à des choses complètement différentes.

Le monde musical occidental connaît mal la richesse des cultures musicales « rythmées »… ?
C’est vrai. La musique orientale, notamment, donne beaucoup plus d’importance au rythme que la musique occidentale classique, car celle-ci a historiquement évolué dans la direction de l’harmonie. Or, basée sur des rythmes symétriques, la musique harmonique présente peu de variété métrique.

Peux-tu développer ?
À partir d’une mélodie de base, les compositeurs orientaux inventent beaucoup de variations sur le plan rythmique, alors que les compositeurs occidentaux, jusqu’à récemment, inventaient des variations de type harmonique. Des ornements rythmiques ne conviendraient d’ailleurs pas à l’esthétique occidentale, où les notes elles-mêmes suscitent suffisamment de tension pour qu’on ne puisse en rajouter par le rythme. Dans la musique orientale, en revanche, les mélodies, souvent brèves, sont moins harmoniques et charrient moins de tension, ce qui laisse plus de place au rythme et au mouvement. Le rôle du percussionniste dans la musique harmonique se borne à tenir des rythmes basiques, à créer une certaine atmosphère ou à renforcer la dynamique en certains endroits. Le percussionniste oriental, lui, jouit de davantage d’espace pour développer des variations. Il est par conséquent beaucoup plus associé au processus de création.

Peux-tu présenter les différents instruments que tu utilises dans cet album ?
Le riqq est un petit tambour sur cadre en bois d’environ vingt-deux centimètres de diamètre, ancêtre de la version simplifiée du tambourin. Le frappement de la peau donne un son sec et dix paires de cymbalettes, situées sur le côté, permettent un rythme de cliquetis syncopés. Très utilisé en musique arabe classique pour tenir le rythme et ajouter des ornements, on trouve aussi le riqq dans la musique traditionnelle, plus rapide. Son maniement demande une grande dextérité. La derbouka, tambour à une seule membrane, en forme de calice au Proche-Orient, apparaît dès l’Égypte antique et même dès les civilisations sumériennes. Son corps, traditionnellement en céramique ou cuivre, forme une caisse de résonance par un pavillon plus ou moins ouvert. Donnant le rythme, elle était surtout utilisée autrefois dans la musique folklorique, puis l’est devenue en style classique. Je l’utilise de façons diversifiées, pour créer sons et couleurs appropriés au type de musique. Le bendîr, tambour sur cadre en bois de quarante centimètres ou plus : au Proche-Orient, il ne comporte ni cymbalettes (comme le târ de la musique arabo-andalouse), ni cordes tendues le long de la peau (comme les bendîr d’Afrique du Nord). En plus de bendîr ordinaires, de circonférences diverses, j’utilise une variété récemment apparue que je peux accorder, c’est-à-dire que je peux ajuster la note à celle du morceau. D’un usage très souple, moins complexe que le riqq, les bendîr produisent des basses généreuses. Outre les sons frappés, leur surface permet des mouvements glissés ou balayés, à la sonorité saisissante. Dans le morceau Noces , le bendîr a pour rôle de soutenir le rythme par ses sonorités graves, sourdes et amples. En général, il confère profondeur et équilibre à la musique, y apporte une note spirituelle, méditative. Très utilisé dans la musique soufie, il convient aussi particulièrement aux samâcî. Le zarb, enfin (ou tombak), est originaire d’Iran. Tambour en gobelet, sa peau n’est pas ajustable. Les techniques pour en jouer sont très élaborées. Le son est profond, plus chaud que la derbouka puisqu’il est en bois. Il est utilisé dans Exode III :
Deux fleuves.

Parle-nous du rythme dans cet album…
Dans le morceau Sabîl par exemple, la musique est essentiellement monodique (même si l’harmonie n’est pas totalement absente). Cela permet de développer une grande variété de rythmes, allant jusqu’à la polyrythmie et la « polymétrie ». Ce fut donc le morceau le plus difficile à travailler de tout l’album, en raison de la variété de gammes, de modes et de rythmes. Dans Leur Palestine, les percussions jouent un rôle assez minime au départ, dialoguant avec la mélodie ; puis dans la seconde partie, la métrique autorise de nombreuses variations rythmiques, et même d’avoir recours à la polyrythmie pour accroître encore la dynamique. L’idée du morceau Pour Alix m’est venue en enseignant lorsque, jouant avec les étudiants, je superposais plusieurs rythmes. Ce morceau est formé par sept pistes superposées à l’enregistrement, jouées chacune avec son instrument propre. Il débute avec un dialogue en phrases non mesurées entre deux bendîr accordés différemment, jusqu’à ce que le bendîr au son le plus grave construise la première ligne rythmique, faite de phrases de sept temps lents chacune. Sur la seconde ligne, le bendîr au son plus aigu insère, dans chaque phrase de la première ligne, deux phrases de sept temps doublant le tempo de la première ligne. La troisième ligne apporte une nouvelle atmosphère avec la derbouka. Plusieurs phrases, d’abord, recourent à une polyrythmie de 4 et 3 temps ; puis la derbouka formule la nouvelle ligne, où le tempo de la première ligne est multiplié par quatre. Le riqq, en quatrième ligne, renouvelle également l’atmosphère. Pendant quelques phrases, il joue en symétrie de la derbouka : cette fois 3 et 4 temps. Puis il joint son tempo, mais avec des subdivisions différentes tenues de façon constante.

La cinquième ligne est jouée par un troisième bendîr, plus haut que les précédents. Il suit le même tempo que les troisièmes et quatrièmes lignes, mais avec d’autres subdivisions. Ces cinq lignes ont créé une dynamique, outre la tension qu’elles génèrent. Elles forment un cycle symétrique chaque fois clos sur un glissando au bendîr. Les deux dernières lignes sont plus libres. Un riqq (joué différemment du précédent) arrive en sixième ligne, puis dialogue en septième ligne avec une derbouka au son plus aigu que la précédente. Ils improvisent avec des subdivisions plus fines, le tempo de la première ligne étant ici multiplié par 8. Cela permet d’insérer des phrases rythmiques de 7 temps (parfois 4 avec la derbouka) dans les phrases de la première ligne. Puis à la fin, ces deux lignes se modifient de façon polyrythmique durant un bref moment, ce qui crée une tension plus conventionnelle dans le mouvement, même si préexiste déjà une forte tension suite à la superposition de toutes les lignes. L’objectif du morceau est ainsi de créer une tension sans utiliser de polyrythmie conventionnelle.

Comment se passe la collaboration avec Ahmad ?
Ahmad est devenu un ami proche et j’éprouve un plaisir incomparable à travailler avec lui, dans un climat de confiance totale, du point de vue humain comme professionnel. Réaliser l’accompagnement rythmique de ses mélodies requiert une approche spécifique, tant se combinent subtilement la profondeur de la musique et la délicatesse des motifs. Il incombe au percussionniste de se montrer sensible, flexible, en même temps que libre d’explorer des directions qui les servent, pour qu’en résulte un travail homogène, dans sa dynamique et son expressivité. Lorsque le rythme des mélodies est marqué, les percussions ont mission de le colorer afin de leur répondre et de les interpréter par des moyens propres. L’interaction musicale, durant les séances de travail, enrichit nos inspirations respectives. Et de cette fécondation mutuelle sort une solide dynamique collective, servant chaque morceau et la musique en général.

Alix du Mesnil
Traduit de l’arabe par Nadine Srouji


  • Référence : 3 149 028 014 228
  • Ean : 794 881 761 326
  • Artiste principal : Ahmad Al Khatib (أحمد الخطيب) & Youssef Hbeisch (يوسف حبيش)
  • Année d’enregistrement : 2011
  • Année de fixation : 2011
  • Genre : Instrumental classique
  • Pays d’origine : Palestine
  • Ville d’enregistrement : Paris
  • Langue principale :
  • Compositeurs : Ahmad Al Khatib ; Youssef Hbeisch
  • Lyricists :
  • Copyright : Institut du Monde Arabe