Musique andalouse d’Alger

Nassima

À l’origine élevées au rang de pratique mystique, les noubas étaient l’apanage des élites intellectuelles.

La nouba consiste en une suite de pièces vocales et instrumentales composées dans une même tonalité et sur un rythme qui va crescendo vers la danse, sur fond de poèmes dont la thématique principale est celle de l’amour.

La nouba sika fait partie d’une tradition musicale nommée san‘a. Cette notion renvoie à une conception artisanale de la pratique musicale et constitue un patrimoine légué par des générations d’artisans-musiciens anonymes. Son répertoire est particulièrement prisé dans les villes d’Alger et de Tlemcen.

Nassima est connue comme l’une des plus belles voix mezzo soprano algériennes dans les genres andalou et hawzi, ainsi que pour son travail de sauvegarde d’une tradition orale vivante depuis des siècles.


Tracklist

1 – Prélude instrumental à la flûte nây – 0’19
2Touchia – 4’49
3 – Solo instrumental au violon alto – 0’50
4M’saddar Yâ nâs a-mâ ta‘dhirûnî/Bonnes gens, soyez indulgents envers moi – 7’47
5 – Solo instrumental à la mandoline – 0’48
6 B’tayhî Mâ dhâ nahît qalbî/Ami, j’ai eu beau dissuader mon cœur d’aimer – 6’37
7Istikhbar Salâmun ‘alâ al-ahbâbi/Salut à mes amis… – 5’26
8Darj Hibbî al-ladhî rânî na‘shaqu/Le bien-aimé dont je suis éprise – 6’07
9 Insirâf Tuwayyarî masrâr/Mon petit oiseau au charme secret – 3’48
10Dlidla Ifarraj rabbî/Dieu apportera la consolation – 1’22
11Insirâf Lâ taqta‘ rajâk/Amour, jamais ne désespère – 2’21
12Khlâs Qabbaltu yadâ-h qâla lî/J’ai embrassé ses mains – 2’02
13Khlâs Yâ man darâ/Qui peut me dire ? – 3’02
14Khlâs Dîr al ‘uqâr/Fais passer les coupes de vin – 1’55


Interprètes et instruments

Nassima (chant et mandole)
Farid Ben Sarsa (direction)
Noureddine Aliane (oud)
Farid Ben Sarsa (luth maghrébin)
Rachid Brahim Djelloul (violon)
Abdelghani Belkaïd (alto)
Djamel Allam (mandoline)
Hind Bellamine (piano)
Youcef Allali (derbouka et târ)
Kamal Labassi (nây)


A propos

Introduction

La nouba sika présentée dans ce disque fait partie d’une tradition musicale algérienne nommée san‘a. C’est surtout dans les villes de Tlemcen et d’Alger qu’on trouve cette tradition ainsi que ses meilleurs connaisseurs et amateurs et ses musiciens les plus fidèles. San‘a se traduit par artisanat, métier, ce qui laisse à supposer que, dans les milieux citadins de l’Algérie d’autrefois, on considérait la pratique de la san‘a davantage comme une compétence que comme un art au sens européen, selon lequel l’expression des idées et des sentiments est très individuelle. Cette conception artisanale de la pratique musicale est peut-être la raison pour laquelle on a conservé nombre de compositions musicales mais pas les noms de leurs auteurs-compositeurs : la san‘a d’aujourd’hui constitue un patrimoine légué par des générations d’artisans-musiciens anonymes.

L’histoire

Notre connaissance de l’histoire et du développement de la san‘a est très limitée par manque de documents. Certains chercheurs ont néanmoins essayé d’esquisser une histoire soit de la san‘a seule, soit plus généralement de la musique du Maghreb. Pour ce faire, ils se sont surtout basés sur des données littéraires et historiques de nature générale. Le résultat, qui se présente comme suit, demeure sujet à caution…

En 822, un musicien célèbre, nommé Ziryâb, arriva à Cordoue, qui était alors le centre culturel et politique de l’Occident musulman. Il y devint le musicien favori de l’émir, qui lui donna la possibilité d’organiser toute la vie musicale de la cour. Quelques siècles plus tard, on assista à la naissance de deux nouvelles formes musicales et littéraires : le muwashshah et le zajal. Le poète-musicien le plus renommé de ces deux formes était Ibn Bajja (1138). Ses poèmes et sans doute aussi ses compositions furent rapidement connues de tout le monde arabe.

Mais au xiiie siècle, la puissance politique des Arabes en Espagne s’affaiblit ; l’épanouissement culturel touchait à sa fin. La chute de Grenade en 1492 annonça le dernier acte d’une tragédie qui aboutit, un siècle plus tard, à l’expulsion de tous les musulmans d’al-Andalus vers l’Afrique du Nord. La culture arabe se réfugia alors dans les différentes villes du Maghreb et l’héritage musical savant s’y maintint sous forme de trois traditions nommées âla au Maroc, san‘a en Algérie et malouf en Tunisie.

C’est à la fin du xixe siècle que l’on assiste aux premières tentatives de recherche musicologique en Afrique du Nord. Dans ces études, on voit apparaître pour la première fois des termes comme « musique andalouse », « musique arabo-andalouse », « musique hispano-arabe » à la place des termes traditionnels de san‘a, âla et malouf. Ces appellations nouvelles correspondent à la théorie « orientaliste », selon laquelle les racines des traditions musicales maghrébines se trouvent plutôt dans l’Espagne médiévale que dans les pays arabes. Elles suggèrent également que, après l’expulsion des Arabes d’Espagne, il n’y eut plus de nouveaux développements dans le domaine musical en Afrique du Nord, et que depuis lors les musiciens se sont contentés de conserver et de transmettre fidèlement les vestiges d’une culture musicale passée.

Un tel point de vue ignore l’enseignement que l’on peut tirer du récit de voyageurs européens tels que Thomas Shaw (début du xviiie siècle) ou Filippo Pananti (début du xixe siècle) ; ceux-ci s’étonnèrent tant de la place importante que tenait la musique dans les pays du Maghreb que de sa qualité. De même, il n’explique pas les grandes différences qui existent entre les trois grandes traditions de Tunisie, d’Algérie et du Maroc, qui auraient pourtant une origine commune. En fait, ces différences laissent plutôt supposer qu’en Afrique du Nord, les musiciens ne se contentaient pas seulement d’une conservation respectueuse et servile du répertoire musical, mais qu’ils ont été de vrais créateurs et qu’ils ont joué un rôle actif dans la formation et le développement de ces traditions. Hélas, les renseignements nous manquent pour retracer les étapes de ce processus avant le début du xxe siècle.

La san‘a aujourd’hui

Les grands centres de la san‘a sont Tlemcen et Alger. Cette tradition ne se réduit pas à un simple répertoire de mélodies et de paroles. Il s’agit plutôt d’un système élaboré, dans lequel des textes sont chantés sur des mélodies appartenant à des modes rythmiques que les musiciens ont créés et transmis de génération en génération. Il va de soi que cette transmission s’est déroulée selon un processus dynamique et que, durant les derniers siècles, la san‘a a été sujette à toutes sortes de changements. Le corpus des mélodies qui en forment la base, par exemple, s’est peu à peu renouvelé. Ainsi, au début du xviiie siècle, Thomas Shaw note une mélodie et les paroles qui l’accompagnent, « Man yu‘ti qalbuh lil-milâh » ; or, cette dernière existe encore dans les carnets des musiciens, mais la mélodie originelle notée par Shaw est tombée en désuétude et a été remplacée par d’autres. Un autre exemple de l’évolution de la san‘a se rapporte à la dimension et à la composition de l’ensemble des musiciens qui l’interprètent. Jusqu’au xixe siècle, les ensembles traditionnels, qui jouaient pendant les fêtes familiales de la grande bourgeoisie ou dans les cafés, étaient composés de quelques musiciens qui chantaient en s’accompagnant à la kuitra [1], au rabab [2] et au târ [3]. Mais à la fin du xixe siècle, on assiste à l’introduction d’instruments arabes comme le luth oriental et la derbouka et au xxe siècle, à celle d’instruments européens comme le violon alto, le violoncelle, le piano, etc. Durant cette même période, les ensembles sont de plus en plus fournis et se transforment en véritables orchestres. Les conséquences de ces changements au niveau instrumental sont perceptibles dans l’interprétation de la nouba sika enregistrée sur ce disque. Des instruments d’introduction relativement récente comme la mandole, le violon et le nây (flûte de roseau) y côtoient des instruments qui constituaient le noyau de l’ensemble traditionnel arabo-andalou.

La nouba

Le concept central de la san‘a est la nouba, que l’on peut définir comme un programme de concert et comme une suite vocale et instrumentale composée dans sa forme classique de cinq sections. Chacune contient au moins une mélodie composée dans un mode rythmique spécifique. Le terme de « mode rythmique » implique un nombre de caractéristiques temporelles comme la mesure, le rythme et le tempo d’une composition [4].

On appelle les cinq sections de la nouba : m’saddar, b’tayhî, darj, insirâf et khlâs. Les mélodies y sont interprétées sur un rythme binaire et tranquille dans les trois premières sections, et sur des rythmes ternaires avec un tempo allant s’accélérant dans les deux suivantes.

Un autre grand principe de la nouba classique est celui de l’unité tonale. Toutes les compositions exécutées au sein d’une même nouba appartiennent au même mode mélodique (tonalité). De là, la coutume d’indiquer une nouba par le nom de son mode. Au total, il existe aujourd’hui douze modes, donc douze noubas. Certaines sont très caractéristiques, d’autres se ressemblent beaucoup, leurs différences modales s’étant progressivement estompées.

Le mode sika, qui forme la base tonale des compositions de cette nouba, comporte les caractéristiques suivantes :

  • le mode rappelle le mode phrygien de la musique européenne ;
  • le ton fondamental est le mi ; d’autres tons d’appui sont le sol et le la ;
  • le sol est souvent précédé par le fa dièse au lieu du fa naturel ;
  • de même, le la est mis en relief par le sol dièse au lieu du sol naturel.

Les poèmes, les textes, les paroles

Les poèmes chantés dans la nouba sont appelés muwashshahât. Ce sont des poèmes composés en strophes, généralement de cinq vers, construits selon le schéma ab/ab/ab/cd/cd. Les deux derniers vers de toutes les strophes se terminent toujours par la même rime, tandis que les rimes des trois autres vers changent d’une strophe à l’autre : ab/ab/ab/cd/cd// ef/ef/ef/cd/cd//, etc. Si le dernier vers de toutes les strophes est un refrain, on parle de zajal au lieu de muwashshah.

Parfois, le muwashshah ou zajal est précédé d’une introduction, le matla’. Celle-ci a toujours une structure semblable à celle des deux vers qui terminent la strophe : cd/cd // ab/ab/ab/cd/cd // ef/ef/ef/cd/cd//, etc.

Le zajal « Yâ nâs a-mâ ta‘dhirûnî », que Nassima interprète au début de cet enregistrement, commence par un matla’, tandis que le deuxième zajal, « Mâ dhâ nahît qalbî», débute directement par la strophe. Cette différence de structure poétique a des conséquences sur la structure musicale, comme nous allons l’expliquer plus loin.

La touchia

La nouba commence souvent par une introduction instrumentale, nommée touchia, exécutée par tous les musiciens sur un rythme 4/4 ou 2/4. Chaque musicien adapte la mélodie aux possibilités de son instrument, la paraphrase et l’ornemente à son goût. Ces interprétations individuelles différentes au même moment produisent une image sonore vivante et très variée.

Pour le reste, la touchia répond à une structure musicale très claire : elle se déroule comme un enchaînement de phrases musicales différentes, dont chacune se développe d’une manière naturelle à partir de la phrase précédente.

L’origine de la touchia est inconnue. Des termes comparables comme tchanbar et bachraf, employés pour désigner des compositions instrumentales qui font également partie de la san‘a, laissent supposer une origine turque. Notons que la touchia sika a été notée et publiée au début du xxe siècle par Edmond Nathan Yafil, chef d’un ensemble musical assez important à Alger, une notation à valeur historique puisqu’elle date d’une période où les enregistrements sonores n’existaient pas encore.

Le m’saddar

Le m’saddar de la nouba, comme la majorité des autres sections, commence toujours par un kursi, une introduction instrumentale jouée à l’unisson. On reconnaît facilement dans ces kursi-s des motifs et même des phrases entières de la touchia. Sur cet enregistrement, le kursi est précédé d’une petite improvisation jouée à l’alto. Ces quelques phrases improvisées anticipent sur l’istikhbar sika, qu’on entendra par la suite dans l’enregistrement. Ensuite commence la partie considérée comme la plus noble et la plus émouvante de la nouba : une mélodie en adagio grave, construite sur de longues périodes. Pour donner une idée de la structure générale des mélodies qui forment le répertoire de la nouba, nous avons dressé une petite ébauche en notation musicale de la première mélodie (voir à la fin de ce livret), chantée sur un zajal ayant un matla’ qui commence par les mots « Yâ nâs a-mâ tadhirûnî ». Pour plus de clarté, nous avons noté les lignes mélodiques en omettant les ornementations et les répétitions instrumentales. Comme le montre cette notation, la chanson se compose de trois parties :

  • une introduction, qui coïncide avec les deux vers du matla’. Cette partie se compose de deux phrases : A et B. La phrase A se chante deux fois ;
  • une partie centrale, dans laquelle on chante les trois premiers vers à rime identique de la strophe. La mélodie de cette partie est identique à la phrase B de l’introduction ;
  • une partie finale, qui est la répétition de l’introduction, sauf que l’on chante maintenant les deux derniers vers de la strophe.

Le m’saddar se chante sur un mouvement binaire tranquille. Le tempo solennel et lent offre toutes les possibilités au chanteur d’ornementer, de varier, d’articuler et d’interpréter la mélodie à sa propre convenance. Nous espérons que la notation simplifiée aidera l’auditeur à apprécier l’imagination musicale de Nassima et la richesse de son interprétation, qui reste néanmoins fidèle à la tradition d’Alger et de ses grands maîtres de la seconde moitié du siècle passé, comme Dahmane Ben Achour et Sadek El Bedjaoui [5]. C’est dans cette tradition qu’elle cherche des possibilités nouvelles d’expression, par exemple en faisant appel aux techniques modernes d’enregistrement pour doubler la ligne mélodique à l’octave.

Le b’tayhî

La différence rythmique entre le m’saddar, le b’tayhî et le darj a presque disparu dans la tradition d’Alger, contrairement à celle de Tlemcen. En général, on peut dire que les mélodies des m’saddrât (pl. de msaddar) et des b’tayhiyyât (pl. de b’tayhî) sont assez larges et contiennent de longs mélismes, tandis que celles des drâj (pl. de darj) sont plus simples et plus courtes. La différence entre ces sections n’est souvent qu’une différence de tempo, le m’saddar étant le plus lent et le darj le plus rapide. Les termes m’saddar, b’tayhî et darj se sont donc vidés de leur signification stylistique spécifique, même si les musiciens continuent encore à les employer.

Dans cet enregistrement, Nassima a d’ailleurs choisi de chanter, en guise de b’tayhî, une mélodie traditionnellement considérée comme un m’saddar. Comme la première section de la nouba, le b’tayhî est précédé d’un kursi. La mélodie commence ensuite non pas par un matla’, mais directement par le premier vers de la strophe. Pour le reste, la structure de cette mélodie est identique à celle de la section précédente. Au lieu des trois vers à rimes identiques, Nassima n’en chante que deux.

L’istikhbar

La nouba contemporaine est souvent interrompue par un istikhbar, improvisation vocale à rythme libre. À l’origine, l’istikhbar se chantait comme introduction à la nouba des inqilabat, une suite de mélodies plus simples et plus légères que les mélodies de la nouba classique.

Plus que dans les mélodies métriques de la nouba, l’istikhbar donne au chanteur la possibilité de montrer ses capacités vocales, sa faculté d’improviser et de faire preuve de son imagination musicale. Il se déroule en général sur un poème de quatre vers, qu’on chante dans un ordre fixe : 1 / 1-2 / 3-4 / 4. Le parcours des lignes mélodiques sur lesquelles on chante ces quatre vers n’est fixé que très globalement. Il s’agit plutôt de quelques points de repère, que l’improvisateur doit respecter. La phrase finale de l’istikhbar est toujours introduite par une vocalise de caractère plaintif sur la syllabe « âh ». Les phrases improvisées par le chanteur alternent avec des improvisations instrumentales.

Le darj

Après l’istikhbar, l’ensemble entame la section appelée darj en jouant son kursi. Le darj lui-même est chanté sur un tempo sensiblement plus rapide que les sections précédentes. Il se chante sur un zajal, qui est, comme le m’saddar, muni d’une introduction matla’: « Hibbî al-ladhî rânî na‘shaqu. » Comme dans le b’tayhî, Nassima ne chante que deux vers de la partie de trois vers à rime identique.

L’insirâf

L’insirâf est la dernière section de la nouba classique à être précédée d’un kursi. Avec lui commence la partie en rythme ternaire. C’est probablement au début du xxe siècle que le rythme insirâf de la tradition algéroise – qu’on jouait jusqu’alors en six temps – a subi une altération très particulière : c’est alors que les musiciens algérois commencèrent à raccourcir légèrement le premier et quatrième temps de la mesure sans changer par ailleurs cette structure, dont le premier et le troisième sont forts. Cette façon d’interpréter ce mode rythmique lui donne un caractère boiteux tout en étant dynamique. Il est très difficile de définir la dimension de ces raccourcissements et les musiciens algériens ne se sont pas accordés sur cette question qui semble donc plus intuitive qu’intellectuelle.

L’insirâf comporte deux mélodies. Sur la deuxième, contrairement à ce que l’on a l’habitude d’entendre, Nassima inverse les deux premières strophes du zajal. Elle chante « Lâ taqta ‘rajâk » au lieu de « Yâ lawn al ‘asal ».

Dans cette section, les musiciens ont intercalé une mélodie que l’on nomme dlidla dans la tradition de la san’a.

Le khlâs

Le khlâs est la section finale de la nouba et la seule à ne pas être précédée d’un kursi. Parfois, le khlâs continue sur le même mode rythmique que celui de la section précédente (insirâf) avant d’enchaîner sur le mode rythmique qui lui est propre. Parfois, aussi, il commence directement avec son propre rythme, comme c’est le cas dans cet enregistrement.

Le rythme du khlâs est caractérisé par un mouvement ternaire, assez rapide et dansant, où figurent de multiples hémioles. Ce terme technique désigne un rythme ambigu, que l’on peut entendre soit en 3/4 de temps, soit en 6/8 de temps, et qui balance entre un mouvement ternaire simple et un mouvement binaire composé. Dans cet enregistrement, il présente des alternances entre 5/8 et 6/8.

À la fin de cette section, le mouvement va s’accélérant avant de s’arrêter net. La section se termine par une large phrase vocale et instrumentale sans mesure, qui rassemble, une dernière fois, toutes les caractéristiques du mode sika.

Docteur Leo J. Plenckers, musicologue


Notes

1 Petit luth algérien traditionnel.
2 Instrument à cordes frottées que l’on posait sur les genoux.
3 Petit instrument à percussion.
4 Les indications comme « valse », « menuet » ou « tango » de la musique occidentale peuvent être considérées comme de tels modes rythmiques.
5 Nassima a eu par ailleurs d’autres maîtres qui ont joué un rôle formateur dans son itinéraire artistique. Parmi ceux-ci, citons les frères Benguergoura et Hadj Hamidou Djaidir.


Détails des enregistrements

1- Prélude instrumental à la flûte nây – 0’19

2- Touchia – 4’48

3- Solo instrumental au violon alto – 0’50

4- M’saddar Yâ nâs a-mâ ta‘dhirûnî/Bonnes gens, soyez indulgents envers moi – 7’47

Bonnes gens, soyez indulgents envers moi
À propos de ce qui m’est advenu.
Même les censeurs ont eu pitié de moi
Tant je passe mes nuits à guetter les étoiles ;
Par Dieu, comment ai-je pu m’éprendre
De celui qui refuse l’union ?
Mais j’en fais le serment : je ne perdrai pas espoir
Jusqu’à ce que j’obtienne son amour
Et qu’il vienne partager la coupe avec moi
Au grand dépit des envieux et des censeurs ;
Je dirai alors : ô vous dont les âmes sont subtiles,
Mon ivresse est devenue agréable ;
Même les censeurs ont eu pitié de moi
Tant je passe mes nuits à guetter les étoiles.

5- Solo instrumental à la mandoline – 0’48

6- B’tayhî Mâ dhâ nahît qalbî/Ami, j’ai eu beau dissuader mon cœur d’aimer – 6’37

Ami, j’ai eu beau dissuader mon cœur d’aimer
Mais l’amour est un don du Seigneur
Afin que nos âmes y trouvent la joie.
Patiente donc, ô mon cœur !
Car la patience est la clé du bonheur.
Tu m’as envoûté avec des yeux langoureux
créés pour la souffrance des amoureux.
Tes prunelles ont décidé de mon trépas,
J’ai alors révélé mon secret,
Et ceux qui l’ignoraient, le connaissent désormais.

7- Istikhbar Salâmun ‘alâ al-ahbâbi/ Salut à mes amis…- 5’26

Salut à vous, amis proches et lointains !
Que mon salut soit aussi doux que la brise pour les roses !
La séparation a trop duré et je languis de vous ;
Mais telle est la sentence de Dieu et le serviteur doit l’accepter.

8- Darj Hibbî al-ladhî rânî na‘shaqu/Le bien-aimé dont je suis éprise – 6’07

Je partage ma coupe
Avec le bien-aimé dont je suis éprise ;
Dieu demandera des comptes
À celui qui sème le trouble dans son cœur
Et lui enseigne la tyrannie et l’évitement :
Ô mon Dieu, je veux me repentir.
Nous vivions sans reproches, dans l’harmonie,
Aucun nuage n’obscurcissait notre firmament,
Et mon âme lui appartenait :
Ô mon Dieu, je veux me repentir.
Chaque fois que je le rencontrais,
Humble et soumis, je baisais sa main ;

Mais il redoublait de tyrannie :
Ô mon Dieu, je veux me repentir.
Iblîs, le Maudit, l’a trompé
Et de moi l’a détourné ;
Je souffre tant que je crie de douleur :
Ô mon Dieu, je veux me repentir.
Hier encore, nous étions enlacés,
Et voilà qu’aujourd’hui il m’abandonne,
Dieu demandera des comptes
À celui qui sème le trouble dans son cœur
Et qui lui enseigne la tyrannie et l’évitement :
Ô mon Dieu, je veux me repentir.

9- Insirâf Tuwayyarî masrâr/Mon petit oiseau au charme secret – 3’48

Mon petit oiseau au charme secret
N’accepte point la tyrannie.
Bec d’or et gorge vermeille,
Il chante haut et clair
Et aux convives tient compagnie.
Mais un coup d’aile et le voilà parti,
Délaissant nos demeures désertes ;
Çà et là, il s’en va quêter son bonheur ;
Puis sur ma main, revient se poser :
« Tant que durera la vie,
Nul autre que moi ne sera ton ami. »

10- Dlidla Ifarraj rabbî/Dieu apportera la consolation – 1’22

Ô mes amis,
Quand Dieu apportera-t-il la consolation ?
Dieu apportera la consolation
Ô mes amis ;
Le bonheur reviendra
Et mon cœur connaîtra la joie.

11- Insirâf Lâ taqta ‘ rajâk/Amour, jamais ne désespère – 2’21

Amour, jamais ne désespère
De celui dont ton cœur est épris ;
S’il s’éloigne, cours te rapprocher de lui ;
Peut-être qu’à ses côtés tu trouveras
L’issue à ton malheur.
Mais l’être aimé est ainsi boudeur et fuyant,
Et aucune ruse ne peut le changer.
Profitons alors d’un instant de félicité
Entre rameaux en bourgeons et jasmin,
Au son des douces mélodies que lancent
Les oiseaux et le rossignol si éloquent ;
Profite, mon amour, d’un instant de bonheur ici-bas.

12- Khlâs Qabbaltu yadâ-h qâla lî/J’ai embrassé ses mains – 2’02

J’ai embrassé ses mains, elle m’a demandé :
– Mais que cherches-tu donc ?
– L’union, lui ai-je dit ;
– Tu rêves, mon pauvre ami ;
– Pourquoi donc ? Lui ai-je demandé ;
– Mon petit cœur en a ainsi décidé ;
– Je vais mourir alors ;

– Tu seras un martyr, m’a-t-elle dit.
Ô ma reine, ma sultane.
J’ai embrassé ses mains, elle m’a demandé :
– Quel est ton but ?
– L’union, lui ai-je répondu ;
– Longue sera ton attente ;
– Et pourquoi donc ?
– Mon cœur te déteste ;
– Je vais mourir alors ;
– Meurs donc, j’ai par qui te remplacer.
Ô ma reine, ma sultane. 

13- Khlâs Yâ man darâ/Qui peut me dire ? – 3’02

Qui peut me dire pour quelle raison
Mon bien-aimé de moi s’est détourné ?
Chaque fois qu’il me rencontre,
Il n’a pour moi que des mots impitoyables.
Que Dieu punisse celui qui l’a troublé,
Il est parti et m’a abandonnée.
C’est un espion jaloux qui, avec perfidie,
A détourné de moi celui qui fut mon ami.
Pourtant, je lui avais tout sacrifié,
Je demande à Dieu le courage de patienter.

14- Khlâs Dîr al ‘uqâr/Fais passer les coupes de vin – 1’55

Échanson, fais passer les coupes
Et remplis la mienne aussi.
Que ton vin chasse mes ennuis,
Et me redonne vie.
Aujourd’hui, la lumière de mes yeux est revenue ;
Ma gazelle m’a rendu visite,

Face à moi, elle s’est assise,
Et, comme un astre, m’a illuminé.
Qu’il est doux de boire,
Joue contre joue, avec sa bien-aimée.
Ma belle m’a rendu visite,
Et pour elle je fais la fête ;
J’ai préparé les meilleurs mets
Et des vins aux sublimes saveurs
Quant à l’espion qui nous épie,
C’est dehors qu’il passera la nuit.
Lève-toi et sers ma gazelle, échanson,
Jusqu’à ce qu’elle étanche sa soif.

Qu’il est doux de boire,
Joue contre joue, avec sa bien-aimée.
Par Dieu, remplis les coupes, ami !
Que ton vin chasse mes ennuis,
Et sers la lumière de mes yeux aussi !
Verse-nous à boire de ton vin
À l’ombre des feuillages en ce jardin !
Sous la tonnelle, qu’il est doux de boire,
Le cœur en fête, au comble de la joie.
Qu’il est doux de boire,
Joue contre joue, avec sa bien-aimée.

Les poèmes ont été traduits de l’arabe par Saadane Benbabaali.


  • Référence : 321.046
  • Ean : 794 881 707 423
  • Artiste principal : Nassima
  • Année d’enregistrement : 2002
  • Année de fixation : 2002
  • Genre : Chant de sanaa
  • Pays d’origine : Algérie
  • Ville d’enregistrement : Paris
  • Langue principale : Arabe
  • Compositeurs : Musique traditionnelle
  • Lyricists : Musique traditionnelle
  • Copyright : Institut du Monde Arabe